Publication des articles de veille scientifique

UNE FOIS N’EST PAS COUTUME: UN CAS CLINIQUE !

Pour changer un peu des articles originaux, le New England Journal of Medicine publie ce mois-ci un cas clinique court mais très utile en pratique quotidienne, celui d’une encéphalopathie médicamenteuse au métronidazole chez un patient avec cirrhose cryptogénétique. Les encéphalopathies médicamenteuses, causées souvent par les antibiotiques (dont les bétalactamines), sont sans doute fréquentes, même s’il est bien difficile de donner une idée précise de leur incidence. Il convient d’être vigilant chez un patient cirrhotique en encéphalopathie et d’évoquer ce diagnostic causal, notamment quand l’encéphalopathie hépatique “standard” évolue défavorablement ou n’est pas typique. Dans le cas de ce patient, l’IRM cérébrale s’est avérée très utile au diagnostic !

RÉSISTANCE AUX ANTIVIRAUX DIRECTS DANS L’HÉPATITE C: UNE REVUE

Jean-Michel Pawlotsky publie dans le dernier numéro de Gastroenterology une revue exhaustive sur les résistances aux antiviraux directs, un sujet complètement d’actualité pour lequel les experts internationaux peinent à définir une stratégie de retraitement, étant donné l’absence de données cliniques fortes à ce jour. Les premières données de retraitement basées sur l’analyse des résistances ont été présentées au dernier congrès de l’EASL qui vient de se tenir à Barcelone. L’importance de la cartographie moléculaire virale a été soulignée. Cette revue permet de refaire le point sous un angle virologique, accessible aux hépatologues.

LACTULOSE/LACTILOL ET ENCÉPHALOPATHIE: LE RETOUR !

L’effet des disaccharides non absorbées comme le lactulose ou le lactilol a fait l’objet de nombreuses controverses, études et méta-analyses ces dernières années (voire décennies!). Dans le dernier numéro d’Hepatology, une nouvelle revue systématique avec méta-analyse a combiné 31 essais randomisés ayant inclus des patients traités par lactulose ou lactilol, le plus souvent contre placebo, soit en traitement curatif d’un épisode d’encéphalopathie (cas le plus fréquent), soit en prévention. Sept essais ont comparé face à face lactulose et lactilol.

L’analyse montre une supériorité des disaccharides par rapport au placebo dans le traitement de l’encéphalopathie “aiguë” et “minime” avec également une diminution du risque de décès dans l’encéphalopathie “aiguë” seulement. L’effet positif des disaccharides était également observé en prévention secondaire.

Il n’était pas observé de différence entre lactulose et lactilol.

Cette revue systématique confirme donc les recommandations internationales (notamment de l’EASL et de l’AASLD) préconisant l’utilisation des disaccharides dans le traitement et la prévention de l’encéphalopathie hépatique.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL EN IRM ENTRE CHC ET CHOLANGIOCARCINOME

Bien que les critères non invasifs de diagnostic du carcinome hépatocellulaire (dits de Barcelone) aient été validés et recommandés largement, il est parfois difficile d’affirmer le diagnostic de carcinome hépatocellulaire chez le spatients porteurs d’une cirrhose. En particulier, les pièces opératoires de patients ayant bénéficié d’une résection d’une tumeur supposée être un carcinome hépatocellulaire montrent parfois la présence d’un cholangiocarcinome.

L’objet de cette étude “radiologique” était de comparer les données en IRM de 683 patients cirrhotiques ayant bénéficié d’une hépatectomie pour tumeur présumée être un carcinome hépatocellulaire.

Le comportement typique de rehaussement à la phase artérielle avec lavage de la lésion aux temps porte et tardif était certes observé chez 481 patients avec carcinome hépatocellulaire (sur 612 CHC) mais aussi chez 5 patients ayant un cholangiocarcinome (sur 71). De même, une stabilité dans le temps du produit de contraste était observée chez 26 patients avec cholangiocarcinome et 63 patients avec CHc. Enfin, un rehaussmeent progressif de la lésion était constaté chez 36 patients avec cholangiocarcinome et 23 patients avec CHC.

La distinction en IRM entre cholangiocarcinome et carcinome hépatocellulaire est donc difficilie et il faut garder présent à l’esprit le risque de cholangiocarcinome chez les patients cirrhotiques, même si le diagnostic de CHC est de loin le plus fréquent. Le rôle de la biopsie est donc central en cas de doute.

QUANTIFICATION DE L’AGHBS: UNE ÉTUDE DE CONFIRMATION

En cas de transaminases normales chez les patients infectés par le virus de l’hépatite B, il est parfois difficile de faire le distinguo entre portage inactif du virus et hépatite chronique à AgHBe négatif.

Pour cette raison, il a été proposé de doser de manière quantitative l’AgHBs avec un seuil proposé de 1000 UI/ml. Un sur-risque de cacrinome hépatocellulaier et de cirrhose a été mis en évidence par plusieurs études chez les patients avec hépatite chronique par rapport aux patients porteurs inactifs et la distinction entre ces deux populations de patients est donc importante.

Bien que la quantification de l’AgHBs soit un outil intéressant, assez peu d’études ont confirmé son intérêt dans de larges cohortes.

Cette étude taïwanaise basée sur la cohorte REVEAL-HBV a inclus 1529 patients avec AgHBe négatif, dont la grande majorité avait des transaminases normales. Le suivi évolutif a permis de classer les patients entre portage inactif stable et confirmé dans le temps, hépatite chronique avec AgHBe négatif à faible charge virale (<20.000 UI/ml) et hépatite chronique avec AgHBe négatif à faible charge virale (>20.000 UI/ml).

A l’inclusion, les patients dont le portage inactif était confirmé au cours du temps avaient effectivement un taux d’AgHBs <1.000 UI/ml et une charge virale <2.000 UI/ml beaucoup plus fréquemment que les autres populations avec une sensibilité de ces seuils de 71%, une spécificité de 85%, une valeur prédictive positive de 83%, et une valeur prédictive négative de 74% et une précision diagnostique de 78%.

Dans cette population, le ratio ajusté de perte de l’AgHBs était de 6,97 par rapport aux autre spopulations et le risque relatif de développer une cirrhose ou un carcinome hépatocellulaire de 0,36 dans les deux cas, confirmant le meilleur pronostic par rapport aux autres fotrmes d’éhaptite B.

Cette étude confirme donc le taux de 1.000 UI/ml de quantification de l’AgHBs comme utile pour définir le portage inactif du VHB, en association à une charge virale <2.000 UI/ml.

LES REGISTRES DE CANCER SOUS-ESTIMENT L’INCIDENCE DU CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE

Une équipe australienne a comparé dans la région de Melbourne l’incidence annuelle du carcinome hépatocellulaire (CHC) en utilisant le registre régional de cancer à déclaration obligatoire et en le comparant a une méthode multimodale comportant l’analyse des réunions de concertation pluridisciplinaire, des questionnaires envoyés aux médecins hépatogastroentérologues et l’analyse du codage des hôpitaux.  L’incidence annuel du carcinome hépatocellulaire était deux fois plus importante dans la stratégie multimodale (10.3 pour 100 000 habitants chez les hommes et 2.3 pour 100 000 habitants chez les femmes) que dans le registre de cancer régional (5.3 pour habitants chez les hommes et 1 pour 100 000 habitants chez les femmes, P< 0.0001). Cette différence pourrait être expliquée par le fait que le CHC est moins fréquemment diagnostiqué par l’histologie et donc probablement moins rapporté dans les registres de cancer.

Au total, cette étude suggère que les registres de cancer sous-estimeraient l’incidence annuelle du CHC.  Une validation dans d’autres pays utilisant d’autres registres est nécessaire.

FACTEURS DE RISQUE DE SURVENUE DU CHOLANGIOCARCINOME CHEZ LES PATIENTS AYANT UNE CHOLANGITE SCLÉROSANTE PRIMITIVE ASSOCIÉE À UNE MICI

Cet article de la Mayo Clinic a étudié une cohorte monocentrique de 399 patients avec une cholangite sclérosante primitive (CSP) associée à une MICI (majoritairement une recto-colite hémorragique) dont 123 patients (31%) ont développés un cholangiocarcinome pendant le suivi.

En analyse univariée, une colectomie et la durée d’évolution de la MICI étaient associées au risque de survenue de cholangiocarcinome. En analyse multivariée, seule une durée d’évolution longue de la MICI longue était associée à un à risque plus élevé de cholangiocarcinome. La réalisation d’une colectomie ne modifiait pas l’influence l’ancienneté de la MICI sur le risque de cholangiocarcinome.  De façon intéressante, la réalisation d’une colectomie pour néoplasie colique était associée à un risque de cholangiocarcinome plus élevé que la réalisation d’une colectomie pour une MICI réfractaire au traitement médical.

Au total, une durée d’évolution longue de la MICI est un facteur de risque de survenue de cholangiocarcinome et la réalisation d’une colectomie ne modifie pas ce risque.