Commentaire d’article – Younossi Z et al. Digestive & Liver Disease 2014
INTRODUCTION
Avec 170 000 000 de personnes infectées dans le monde, l’hépatite C est un enjeu majeur de santé publique. Les patients infectés par le virus de l’hépatite C souffrent physiquement et psychologiquement : outre la maladie hépatique, l’asthénie, la dépression, l’anxiété ont des répercussions sur leur qualité de vie et la productivité individuelle.
Depuis 2013, de nouvelles molécules ont reçu une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’hépatite C. Ces dernières permettent un taux de guérison supérieur aux traitements anti viraux antérieurs avec moins d’effets indésirables et une durée plus courte de traitement. Depuis l’obtention de la mise sur le marché de ce traitement, leur prix et les typologies des patients à traiter ont été au cœur des débats.
OBJECTIFS
- Les effets du traitement rapportés par les patients en matière de qualité de vie à partir de nombreux standards : HRQQL, SF36, QALY’S. Ces standards représentent des échelles officielles d’évaluation de la qualité de vie.
- Les aspects économiques du traitement de l’hépatite C
L’objectif de ce travail était d’analyser le bénéfice de ces nouveaux traitements sur les résultats virologiques, cliniques, économiques et sur la qualité de vie des patients selon deux approches :
PRINCIPAUX RESULTATS
De plus, les patients infectés par le virus C ont souvent des manifestations extra-‐hépatiques responsables d’une importante altération de la qualité de vie. Parmi ces facteurs, la dépression, la fatigue et l’anxiété sont les plus importants.
L’absence de traitement augmente évidemment le réservoir de patients infectés par le VHC. Une étude anglo-‐saxonne a montré que si 265000 patients sont actuellement comptabilisés porteurs du VHC, le nombre passerait naturellement à 370000 en 2035. Ainsi, le coût de santé est estimé entre 184 et 367 millions de livres en 2010 et passerait de 210 à 427 millions de livres en 2015 (2). Pour réduire les maladies hépatiques liées au virus C de 80 %, il faudrait traiter trois fois plus de patients (données en Angleterre).
L’analyse de plusieurs études (FISSION, POSITRON, NEUTRINO, FUSION et VALENCE) menée avec le SOFOSBUVIR et portant sur la qualité de vie rapportée par les patients a permis de définir des facteurs prédictifs de mauvaise réponse au traitement : en tout premier lieu la cirrhose mais aussi des antécédents de dépression, fatigue, anxiété, insomnie (données en analyse multi-‐variée des études ION 1 et 2). D’ailleurs, ces évènements indésirables étaient exacerbés durant le traitement par bithérapie pégylée.
Ainsi, des schémas thérapeutiques simplifiés avec moins d’effets indésirables laisseraient entrevoir de meilleurs résultats en partie en raison d’une meilleure observance thérapeutique. Des études récentes montrent que l’association SOFOSBUVIR +RIBAVIRINE permet d’obtenir une amélioration de la qualité de vie comparée au schéma thérapeutique comportant de l’INTERFERON. Plus récemment, l’association SOFOSBUVIR+ LEDIPASVIR a même montré une amélioration des résultats sur la qualité de vie durant le traitement. Ces nouveaux traitements d’une durée de 12 semaines sont très bien tolérés et s’accompagnent d’une meilleure observance. D’autres schémas thérapeutiques comportant de nouvelles molécules sans INTERFERON apportent des résultats similaires (DACLATASVIR).
Analyse économique : grâce aux nouveaux traitements, en guérissant près de 80 à 95% des patients, la population porteuse du VHC devrait diminuer de 85% et la mortalité par maladie du foie de 70%.Les études montrent que le coût moyen des soins hors traitements spécifiques anti viraux d’un patient atteint d’une hépatite à VHC est deux fois supérieur à celui d’une population témoin. D’un point de vue économique, le poids de l’hépatite C est immense. Dans une étude américaine, les coûts des co-‐morbidités hépatiques, hors cirrhose étaient estimés à 17277 dollars/patient/ année de traitement comparés au 22752 dollars pour les patients atteints d’une cirrhose compensée. Enfin, les coûts associés à une insuffisance hépatocellulaire terminale, un carcinome hépatocellulaire et une transplantation hépatique étaient respectivement de 59995 dollars, 112537 dollars et 145 000 dollars/patient/année de traitement. Compte tenu de la prévalence de l’hépatite C, des maladies associées et du coût de chaque stade de la maladie, le fardeau économique du VHC aux USA est d’environ 9600 milliards de dollars / an. L’évaluation économique s’étend bien au-‐delà du cout du traitement proprement dit. Cette évaluation devrait inclure le coût du suivi du traitement, de la gestion des effets indésirables, de la prise en charge des complications liées à la maladie ainsi que les coûts liés aux manifestations extra-‐hépatiques. Il ne faut pas non plus oublier les coûts indirects pour la société. C’est souvent vers l’âge de 40 et 50 ans qu’est découverte l’infection virale C, à une époque où la personne est la plus productive socialement. Un porteur du virus C a un absentéisme significativement supérieur à un sujet sans infection virale (1.5 fois supérieur). Dans une étude récente, l’association SOFOSBUVIR + LEDIPASVIR a permis de constater une amélioration en termes de productivité individuelle. Si on envisage un traitement, la prise en charge thérapeutique doit tenir compte du coût global du monitoring des patients : suivi clinique, analyse biologique, cout de prise en charge des effets indésirables (dépression, rash cutané, anémie, leucopénie-‐thrombopénie…) Ainsi le coût des trithérapies comportant des anti-‐protéases de 1ère génération était largement augmenté par la gestion des effets indésirables et du monitoring viral.
Les analyses économiques des nouveaux traitements se positionnent en faveur de schémas thérapeutiques simples, sans INTERFERON et sans RIBAVIRINE, de durée courte et d’efficacité remarquable quasiment sans effet indésirable. Des études sur les données de la vraie vie sont en cours.
Comparé à d’autres maladies chroniques (diabète de type 2, polyarthrite rhumatoïde, infection à VIH, cancer broncho-‐pulmonaire ou sclérose en plaque), si le coût initial du traitement antiviral semble très élevé, à moyen et long terme, grâce à la guérison et à la reprise d’une activité professionnelle, grâce à la disparition de manifestations symptomatiques, délétères appréciées par les différents scores de qualité de vie, ce surcoût semble pouvoir devenir relatif et s’effacer au fil du temps.
CONCLUSION
L’hépatite C chronique a des conséquences multi-‐factorielles délétères pour les patients qu’il s’agisse de la maladie hépatique, des manifestations extra-‐hépatiques et de la qualité de vie. Les nouveaux traitements sans INTERFERON et sans RIBAVIRINE améliorent les résultats de façon spectaculaire. L’amélioration obtenue permet de nuancer et relativiser le poids financier du coût du traitement grâce à un impact positif sur le patient, sa famille et la société. Il serait important de mieux documenter la répercussion de l’impact d’une infection à virus C sur la productivité individuelle et les conséquences pour le patient porteur du virus C. Les récentes données économiques portant sur ces nouveaux traitements montrent leur efficacité et un réel bénéfice économique pour la société. L’approche exclusivement comptable du coût du traitement est insuffisante et justifie d’une approche plus globale en santé publique.
REFERENCES
1- Zalesak M. Francis K, Cedeon A et al. Current and the future disease progression of the chronic HCV population in the United States. PLOS ONE 2013 : 8 : e63959
2- Patruni B, Nolte E. A projection of the healthcare and economic burden in the UK RAND corporation report Hepatitis C. Prepared for the Hepatitis C Trust : 2013 Obtained from the world wide web at RAND Europe : http://www.rand.org/randeurope (accessed 29.07.14)
3- Holmberg SD, Spradling PR, Moorman AC, et al. Hepatitis C in the United States, N Eng J Med 2013; 368 : 1859-‐61.