Les Éditos de l'AFEF

CBP/PBC : Quand la cirrhose n’en est plus une…

Par : Rémy André-Jean
Docteur - Service d’Hépato-Gastroentérologie, CH Perpignan

« Cirrhose » biliaire primitive, le diagnostic et le mot sont terribles pour les patient(e)s lors du rendu de résultats d’un bilan d’anomalies biologiques hépatiques. Déjà la Gamma-GT élevée leur a renvoyé l’image d’une consommation d’alcool excessive avec des questions répétées du médecin généraliste puis de l’hépatologue avant que la positivité des auto-anticorps anti-mitochondries redresse le diagnostic et éloigne le stigmate de l’alcoolisme. Déjà en 1959, Sheila SHERLOCK se posait la question d’appliquer le terme cirrhose à des patients sans fibrose initiale hépatique et à l’évolution asymptomatique prolongée.

L’article de BEUERS (Gastroenterology 2015) synthétise l’évolution actuelle qui a amené à garder le même acronyme, CBP en français et PBC en anglais, mais en changeant cirrhose par cholangite. Certes, il s’agit d’un pléonasme d’associer cholangite à biliaire mais garder le même acronyme était essentiel au groupe qui, mené par le Pr Raoul POUPON d’abord de façon informelle puis plus officielle, a proposé un changement de taxinomie. Le processus de validation de ce changement radical de dénomination a été le fruit d’une démarche très démocratique qui se devait de respecter les conditions suivantes :

  1. garder l’acronyme usuel PBC/CBP
  2. supprimer le terme cirrhose
  3. choisir un terme reprenant tout ou partie de la physiopathologie.

Un comité d’hépatologues experts et seniors a été mis en place par l’EASL qui a d’abord approuvé à 100% la suppression du mot cirrhose et le maintien de l’acronyme PBC. Un comité tripartite EASL AASLD APASL a ensuite validé à 56% le choix du terme cholangite en remplacement de cirrhose (13% des voix s’étaient porté sur cholangiopathie). Ce changement a ensuite été validé par les « governing board » de chacune de ces sociétés savantes internationales.

Au-delà des mots, c’est un changement radical pour la prise en charge des patients/es qui suit cette nouvelle dénomination. Les recommandations 2009 de l’AASLD ne prenaient d’ailleurs pas en compte la présence de fibrose dans les critères diagnostics que sont le diagnostic de CBP peut être établi si au moins 2 des critères suivants sont présents :

  1. les signes biochimiques de cholestase reposant principalement sur l’activité sérique des phosphatases alcalines
  2. présence d’anticorps anti-mitochondries
  3. lésion de cholangite destructrice non suppurée des canaux biliaires interlobulaires.

L’EASL définissait la même année la cholestase biologique par une activité des phosphatases alcalines >1,5 fois la limite supérieure de la normale (N) associée une GGT >3 x N. En janvier 2014, un groupe commun SNFGE AFEF d’experts publiait un conseil de pratique basé sur les mêmes critères où l’évaluation de la fibrose reposait désormais sur une mesure par élastométrie.

La CBP change de nom après avoir changé de visage. Elle est devenue d’abord une maladie très longtemps asymptomatique par un diagnostic plus précoce et par un traitement plus efficace depuis l’introduction de l’acide ursodésoxycholique qui retardait voie annulait la nécessité de transplantation hépatique. La CBP constituait plus de 20% dans le total des indications de transplantation hépatique à la fin du siècle dernier pour être actuellement uniquement 5 à 11% selon que la CBP est isolée ou fondue dans le groupe maladies cholestatiques. Les hépatologues doivent participer à cette évolution pour le plus grand bénéfice des patients/es, tant dans l’acceptation de la maladie que du suivi au long cours qu’il implique. Car il est plus facile d’évoquer lors d’un repas de famille un bilan biologique et une échographie trimestrielle ou semestrielle pour une cholangite que pour une cirrhose, fut-elle biliaire et primitive !

Références

  1. Beuers U, Gerschwin ME, Gish RG, Inverzinni P, Jones DE, Lindor K and al. Changing nomenclature for PBC: from cirrhosis to “cholangitis”. Gastroenterology 2015; 149; 1627-1629.
  2. EASL Clinical Practice Guidelines : Management of cholestatic liver diseases. J Hepatol 2009 ; 51 :237-267.
  3. AASLD Practice Guidelines : Primary biliary cirrhosis. Hepatology 2009 ; 50(1) :291
  4. Conseil de pratique: prise en charge de la cirrhose biliaire primitive. SNFGE AFEF janvier 2014. www.snfge.org/download/file/fid/617