En France, la maladie du foie liée à l’alcool demeure la première cause de mortalité hépatique et la première cause de transplantation hépatique.
Le mésusage d’alcool comprend trois catégories :
- L’usage à risque où il existe une consommation excessive d’alcool mais pas de conséquence patente de cet usage
- L’usage nocif
- L’usage avec dépendance.
L’usage nocif et l’usage avec dépendance, correspondent donc aux formes symptomatiques de l’usage, complications médicales, sociales, professionnelles ou judiciaires pour l’usage nocif, perte de la liberté de s’abstenir d’alcool pour la dépendance.
Le mésusage d’alcool est une maladie à conséquences somatiques multiples qui nécessite une évaluation psychologique, avec recherche d’éventuelles pathologies psychiatriques, mais également une évaluation de la situation familiale, sociale et professionnelle. Le concours de l’addictologue est primordial pour évaluer la consommation – il ou elle saura distinguer une dépendance d’une consommation excessive – mais aussi pour évaluer les différents aspects psycho-sociaux et apporter une aide dans leur résolution ou tout au moins leur prise en compte. Cette maladie addictive est une véritable maladie cérébrale, les neurocircuits centraux qui négocient la récompense et la motivation, le traitement émotionnel et le contrôle exécutif sont perturbés dans la dépendance (1). Cette maladie est chronique et la rechute fait partie de la maladie, ce n’est pas un accident. Après transplantation hépatique, la reprise de la consommation d’alcool est fréquente (jusqu’à 40% des patients) avec une consommation sévère dans 11 à 26% des cas. Cette reprise de la consommation d’alcool a un effet néfaste sur la survie par une fréquence augmentée d’évènements cardio-vasculaires, de cancers extra-hépatiques et de cirrhose alcoolique sur le greffon (2)(3)(4).
Une étude rétrospective multicentrique française (Lyon, Toulouse, Montpellier) publiée en 2022 (5) a inclus 616 patients transplantés entre 2000 et 2015 pour maladie du foie liée à l’alcool, dont 195 patients transplantés entre 2008 et 2015. Dans ce travail, un suivi addictologique des patients était associé à une diminution significative :
- De rechute sévère de la consommation d’alcool : 6.5% dans le groupe avec suivi versus 15.5% dans le groupe sans suivi (HR=0.33 ; p=0.0033)
- De survenue d’événements cardiovasculaires sévères : 10% dans le groupe avec suivi versus 20% dans le groupe sans suivi (OR=0.39 ; p=0.0086).
Ces résultats sont notables même s’il n’a pas été constaté de différence significative sur la mortalité, la survenue de cancer de novo, la récidive de carcinome hépato cellulaire ou de cirrhose.
Une précédente étude italienne monocentrique publiée en 2013 (6) avait inclus 92 patients ayant eu une transplantation hépatique entre 1995 et 2010pour une cirrhose liée à l’alcool : 37 patients transplantés avant 2002 avec suivi par des psychiatres compétents en addictologie extérieurs au centre de transplantation, et 55 patients transplantés entre 2002 et 2010 avec une prise en charge addictologique organisée dans le centre. Dans le groupe avec ce dernier suivi, la prévalence de la reprise d’une consommation d’alcool était significativement plus basse (16.4 versus 35.1% ; p = 0.038). En outre, dans cette étude, la mortalité était significativement plus faible dans le groupe avec suivi addictologique dans le centre (14.5 versus 37.8% ; p = 0.01). Bien que l’analyse des raisons de cette différence de suivi entre ces deux groupes ne soit pas mentionnée (suivi amélioré par la proximité ? compétence plus spécifique des addictologues du centre ?), là-aussi le suivi addictologique montrait un intérêt significatif.
Lors du suivi addictologique post transplantation, l’addictologue détecte plus de patients consommateurs et des quantités d’alcool plus importantes (7), un meilleur diagnostic qui permet une meilleure prise en charge. En outre, dans la maladie addictive, la poly-consommation est la règle. Notamment, 50% des patients en attente de greffe sont fumeurs ou anciens fumeurs contre 32% en population générale. Le tabac est un facteur indépendant de mortalité post transplantation hépatique (8). La prise en charge addictologique ne se limite donc pas à celle exclusive de l’alcool. Dans cette situation post transplantation comme dans bien d’autres, le patient tire donc tout bénéfice de ce suivi addictologique conjoint avec sa prise en charge hépatologique.
En bref, et si besoin est encore de le préciser : hépatologues et addictologues, unissez-vous.
Références
- Neuroscience of Addiction: Relevance to Prevention and Treatment ,Nora D Volkow Am J Psychiatry. 2018 Aug
1;175(8):729-740. - Excessive alcohol consumption after liver transplantation impacts on long-term survival, whatever the primary indication Faure S et al. 2012 J J Hepatol 2012 Aug;57(2):306-12.
- Long-term Survival and Predictors of Relapse After Orthotopic Liver Transplantation for Alcoholic Liver Disease Robert Pfitzmann and al Liver transplantation 13:197-205, 2007
- Natural History of Recurrent Alcohol-Related Cirrhosis After Liver Transplantation: Fast and Furious Erard-Poinsot D and al Liver Transpl. 2020 Jan;26(1):25-33.
- The impact of addiction team integration into the management of patients transplanted for alcohol-related liver disease: results from a multicenter comparative study Jules DANIEL and al , EASL 2022 poster session THU 009
- Addolorato G, et al. Liver transplantation in alcoholic patients: impact of an alcohol addiction unit within a liver transplant center. Alcohol Clin Exp Res 2013;37:1601–1608.
- Follow-Up of Alcohol Consumption After Liver Transplantation: Interest of an Addiction Team?
- Donnadieu-Rigole H, and al.Alcohol Clin Exp Res. 2017 Jan;41(
- Smoking-related morbidity and mortality following liver transplantation Leithead J Liver transplantation August 2008 :1159-1164