Les Éditos de l'AFEF

Keratin 19: a key role player in the invasion of human hepatocellular carcinomas Govaere O et al, Gut 2014 in press

Par : Paradis V.
Dpt de Pathologie, Hôpital Beaujon Clichy & INSERM UMR 1149 / CRI
Commentaire article

L’étude  moléculaire  des  carcinomes  hépatocellulaires (CHC) a permis d’élaborer ces dernières  années  des  classifications  clinico-­‐patho-­‐moléculaires identifiant des sous-­‐types tumoraux, certains associés à un mauvais pronostic (1, 2). Parmi eux,  les  CHC  présentant  une  signature  de  type  “Hépatoblaste/ cellules souche /progénitrice” sont phénotypiquement  caractérisés  par  la  présence  de  cellules tumorales exprimant la cytokératine 19 (CK19), un marqueur de cellule biliaire et progénitrice hépatique  (3,4).  L’article  présenté  s’inscrit  dans  la  continuité de ces résultats et vise à identifier les mécanismes  moléculaires  impliqués  dans  le  potentiel  agressif de ces CHC CK19+.

L’équipe du Pr T Roskams a ainsi collecté prospectivement entre 2003 et 2008 une série de  242  CHC  incluant  167  prélèvements  de  pièces  opératoires  et  75  prélèvements  biopsiques. Le profil immunophénotypique de ces tumeurs vis à vis de CK19, EpCAM et AFP  a  été  établi  par  immunohistochimie  et  une  analyse  transcriptomique  par  micro-­‐arrays a été effectuée sur 139 cas afin d’identifier les voies moléculaires associées au phénotype CK19+.
Les  résultats  publiés  confirment  l’association  entre  le  phénotype  CK19+  avec  les  facteurs de mauvais pronostic, que sont la taille, la faible différenciation tumorale, la présence  de  métastase  et  d’invasion  microvasculaire. L’analyse transcriptomique  a  permis d’identifier un set de 132 et 203 gènes corrélés positivement et négativement respectivement  avec  la  signature  CK19+.  Parmi  les  gènes  corrélés  positivement,  on  retrouve principalement des marqueurs de cellules souches progénitrices (dont CD133), des molécules de matrice extracellulaire (dont la laminine), des marqueurs associés au processus  invasif  et  métastatique  (dont  VASP  pour  vasodilatator-­‐stimulated  phosphoprotein), et des molécules impliquées dans la signalisation de la voie NOTCH (NOTCH2 et JAG1).

Ces  résultats  descriptifs  ont  été  complétés  par  une  approche  fonctionnelle  originale  mettant en évidence in vitro la capacité invasive des cellules tumorales CK19+ extraites à  partir  des  prélèvements  tumoraux  humains.  Plus  classiquement,  la  modulation  de  l’expression de CK19 par une approche de transfection par siRNA a confirmé dans des lignées d’hépatome ce rôle fonctionnel de CK19 dans le potentiel invasif. Enfin, l’étude du profil d’expression de 384 microRNA (miR) dans une série de CHC humains, petites molécules impliquées dans la régulation génique post-­‐transcriptionnelle, a identifié les miR-­‐141  et  -­‐200c  associés  au  phénotype  CK19+,  leur  induction  transitoire  dans  des  lignées d’hépatome augmentant l’expression de CK19, EpCAM et laminine. Enfin, les cellules CK19+ ont un profil de chimiorésistance.

Au total, cette étude
  1. confirme la valeur pronostique de CK19 dans une large série caucasienne de CHC, quelque que soit l’origine de l’hépatopathie chronique
  2. apporte  des  arguments  supplémentaires  suggérant  l’implication  des  cellules hépatiques progénitrices dans le développement de la cancérogenèse hépatique
  3. suggère  le  rôle  de  CK19  dans  les  interactions  entre  les  molécules  du cytosquelette des cellules tumorales et la matrice extracellulaire du micro-­‐environnement tumoral via la formation de filopodes
  4. confie au phénotype CK19+ un potentiel de chimioresistance.
Conclusions

Même si ce sous-­‐type tumoral (CHC CK19+) ne représente qu’une minorité de CHC (5 à 15% selon les séries), son diagnostic en pratique doit être favorisé et pris en compte afin d’identifier les patients à risque de récidive. Si l’identification du phénotype CK19+ (par immunohistochimie)  est  théoriquement  facile,  son  application  sur  des  prélèvements  biopsiques mérite d’être validée dans des études indépendantes. Ceci ne pourra être réalisé  que  si  les  recommandations  de  prise  en  charge  des  patients  avec  un  CHC  intègrent la biopsie dans leur algorithme.

Références
  1. Boyault S, Rickman DS, de Reyniès A, Balabaud C, Rebouissou S, Jeannot E, et al. Transcriptome classification of HCC is related to gene alterations and to new therapeutic targets. Hepatol Baltim Md. 2007 Jan;45(1):42–52.
  2. Hoshida Y, Nijman SMB, Kobayashi M, Chan JA, Brunet J-­‐P, Chiang DY, et al. Integrative transcriptome analysis reveals common molecular subclasses of human hepatocellular carcinoma. Cancer Res. 2009 Sep 15;69(18):7385–92.
  3. Lee J-­‐S, Heo J, Libbrecht L, Chu I-­‐S, Kaposi-­‐Novak P, Calvisi DF, et al. A novel prognostic subtype of human hepatocellular carcinoma derived from hepatic progenitor cells. Nat Med. 2006 Apr;12(4):410–6.
  4. Durnez A, Verslype C, Nevens F, Fevery J, Aerts R, Pirenne J, et al. The clinicopathological and prognostic relevance of cytokeratin 7 and 19 expression in hepatocellular carcinoma. A possible progenitor cell origin. Histopathology. 2006 Aug;49(2):138–51.