Les Éditos de l'AFEF

L’hépatite auto-immune : une vieille dame encore dynamique

Par : Chazouillères Olivier
Service d’Hépatologie, Centre de référence des maladies inflammatoires des voies biliaires, Filière des maladies rares du foie de l’adulte et de l’enfant (FILFOIE), Hôpital Saint Antoine, Paris

La description du phénotype classique d’hépatite auto-immune (HAI) est attribuée à Jan Waldenström en 1950. Par la suite, les critères diagnostiques et des schémas thérapeutiques ont été développés. L’HAI est historiquement la première maladie chronique du foie à avoir bénéficié d’un traitement médical d’efficacité démontrée sur la survie. Les bases de ce traitement n’ont pas changé depuis des décennies et reposent encore aujourd’hui sur les résultats de 3 essais effectués au début des années 70 à Londres et à la Mayo Clinic dont le but était d’évaluer les effets de la corticothérapie, seule ou en association à l’azathioprine. Il n’y a pas eu d’avancée thérapeutique majeure depuis cette époque à l’exception de la transplantation hépatique, traitement de choix non spécifique des formes graves d’hépatite auto-immune (hépatite fulminante, cirrhose décompensée ou compliquée de carcinome hépatocellulaire).
Il existe cependant un regain d’intérêt pour les HAI dont l’incidence augmente. La société européenne d’hépatologie (EASL) a émis au 2ème semestre 2015 des recommandations de prise en charge permettant d’intégrer ces éléments nouveaux (1).
Les points importants de ces recommandations sont les suivants :

  • La maladie est rare mais non exceptionnelle et n’affecte pas que les femmes jeunes. Le diagnostic de HAI doit être évoqué devant toute maladie hépatique aigue ou chronique.
  • La biopsie hépatique reste un élément essentiel du diagnostic.
  • Les scores diagnostiques (notamment le « simplifié ») sont utiles mais ont performance diagnostique médiocre dans les hépatites (sub)fulminantes et le jugement clinique reste important.
  • Les indications de traitement sont très larges mais non systématiques.
  • Le traitement de référence de 1ère ligne reste la predniso(lo)ne (0,5 à 1 mg/kg/j initialement) avec introduction de l’azathioprine (50 mg initialement) à partir de la 3ème semaine avec augmentation progressive à 1-2 mg/kg/j parallèlement à la diminution progressive (et idéalement arrêt) de la corticothérapie en fonction de la tolérance et de la réponse.
  • Les modalités du traitement doivent être guidées par la réponse (différence importante avec les « classiques » doses fixes des recommandations américaines).
  • Le budesonide (3mg x 3 /j initialement) est une alternative à la predniso(lo)ne car il a moins d’effets secondaires mais les modalités de décroissance sont mal établies et il ne doit pas être utilisé dans les formes sévères ou en cas de cirrhose.
  • Le mycophénolate est proposé en cas d’intolérance à l’azathioprine.
  • La réponse biochimique est strictement définie par la normalisation des transaminases et des gammaglobulines (ou IgG).
  • La durée minimale de traitement (bi puis monothérapie) est de 2-3 ans.
  • La biopsie hépatique est conseillée avant décision d’arrêt pour estimer au mieux le risque de rechute (qui est très élevé) et la certitude de la possibilité d’un suivi biologique régulier est indispensable avant une tentative d’arrêt de traitement.

Outre ces éléments forts, un des points les plus marquants est la longue liste des zones d’incertitude (donc de travaux à mener) concernant tant les aspects épidémiologiques et diagnostiques que thérapeutiques (quel traitement pour les HAI graves ?, quelle place pour les nouveaux immunosuppresseurs ?…). L’absence quasi-totale de données sur la qualité de vie et l’optimisation du parcours de soins a également été soulignée.
Ces recommendations qui ont fait l’objet d’un certain nombre d’échanges (2, 3), n’ont pas de caractère révolutionnaire mais marquent une évolution et constituent un outil utile pour la prise en charge de cette maladie volontiers « difficile » en pratique clinique.
Bonne lecture.

Bibliographie

  1. European Association for the Study of the L. EASL Clinical Practice Guidelines: Autoimmune hepatitis. J Hepatol 2015;63:971-1004.
  2. Ozaslan E, Efe C. Further considerations in autoimmune hepatitis. J Hepatol 2016;64:1457-1458.
  3. Lohse AW, Chazouilleres O, Dalekos G, Drenth JP, Heneghan M, Hofer H, Lammert F, et al. Reply to “Further considerations in autoimmune hepatitis”. J Hepatol 2016;64:1458-1459.