Les Éditos de l'AFEF

Connaissez-vous votre taux de « ré-admission » ?

Par : Bureau Christophe
Professeur - Service d’Hépatologie, CHU Toulouse.

La cirrhose est responsable de près de 40 000 morts par an aux USA, autant que le diabète et plus que les maladies rénales. Elle conduit à plus de 150 000 hospitalisations (4 billions de dollars) par an avec de surcroit une incidence en augmentation. La période après une hospitalisation est considérée à risque pour de multiples raisons : décompensation récente, modifications thérapeutiques, relais soignants « hospitaliers « soignants « extra hospitaliers fragiles…. Le taux de réadmission au cours du premier mois est un critère utilisé dans d’autres pathologies comme l’insuffisance cardiaque pour l’évaluation du pronostic, de la qualité des soins ou de certaines interventions. Un travail américain a suggéré que la qualité des soins était en cause dans un tiers des réadmissions (service de médecine) (1).

Ce paramètre a été peu étudié au cours de la cirrhose. Une étude chez 402 patients atteints d’une cirrhose, publiée en 2012, a montré que le taux de réadmission était de 14 % la première semaine et 37 % le premier mois (2). Pour comparaison, le taux de réadmission moyen est de 25 % dans l’insuffisance cardiaque du sujet âgé. Le coût moyen d’une réadmission était d’environ 25 000 dollars pour celles survenant la première semaine et de 20 000 dollars pour celles survenant entre la première et la quatrième semaine. La réadmission était souvent prévisible et plus intéressant une réadmission sur cinq était jugée évitable. La réadmission était associée de manière indépendante à la mortalité.

Au cours du congrès de l’AASLD 2015 à San Francisco (USA), plusieurs résumés ont concerné des travaux sur ce critère et d’autres travaux sur l’évaluation des paramètres qui permettre de cibler les patients à risque de réadmission.

Résumé 13. D Kumral et al. Université de Virginie USA

Un outil simple d’éducation pour réduire le taux de réadmission après une hospitalisation pour cirrhose décompensée.

L’objectif de ce travail était de diminuer d’au moins 10 % le taux de réadmission en proposant un protocole « standard » au moment de la sortie. Les patients inclus étaient des patients atteints d’une cirrhose décompensée : ascite et encéphalopathie. Les patients greffés étaient exclus. Le groupe contrôle comprenait les patients hospitalisés d’Avril à Octobre 2014. Les informations et instructions au lit du patient étaient celles données habituellement. Le groupe intervention était constitué de patients hospitalisés d’Avril à Octobre 2015.


Une éducation supplémentaire par une infirmière de 20 min était donnée, des documents étaient remis aux patients, des conseils nutritionnels, une courbe de poids et un pilulier. Un contact téléphonique était réalisé 72 heures après la sortie de l’hôpital.


Les caractéristiques des patients étaient comparables entre les 2 groupes. Le MELD moyen était de 18, 70 % des patients étaient sous Lactulose, 50 % sous rifaximine et 80 % sous diurétiques. Le taux de réadmission pendant la deuxième période était de 25 % et la mortalité 5 % (20 patients) contre 62 % et 7 % dans le groupe contrôle (26 patients). Le risque de réadmission était diminué de 60 % et il fallait « éduquer » 2,7 patients pour prévenir une réadmission. En analyse multivariée, le seul paramètre associé au risque de réadmission était l’absence de programme d’éducation.


Dans ce travail, les patients hospitalisés ailleurs ont pu ne pas être comptabilisées. Ces interventions nécessitent un personnel dédié et une mesure coût efficacité dans notre système de soins devra être menée. Il n’y avait pas de couverture le week-end et pas d’évaluation de l’effet de l’information sur l’informé.

Résumé 17. M W Russo et al. Caroline du Nord USA.

Evaluation d’un protocole dont le but est de diminuer le risque de réadmission précoce après la greffe hépatique
En greffe hépatique, il a été rapporté un taux de réadmission de 33 % à 41 % (3) dans les 30 jours (40 000 dollars le coût de la réadmission).
Un protocole dans ce centre a été mis en en place (deuxième période) pour réduire un taux de réadmission mesuré dans ce même centre à 40 % en 2012 (première période). Ce protocole a consisté à identifier les malades à risque (fiche avec score de risque), améliorer le programme d’augmenter les interventions extrahospitalières, et une révision des critères d’admission.
167 patients ont été inclus en 3 ans d’âge moyen 54 ans, 63 % d’homme, MELD moyen 21. Le taux de réadmissions est passé de 40 % à 20 % à J30 entre les deux périodes, la mortalité de 0.8 à 0 (NS). Les autres facteurs associés au risque de réadmission étaient la dialyse avant la greffe, une sortie le week-end et l’existence d’un diabète.
Les principales causes de réadmission étaient les évènements biliaires, infections et rejet. Le programme ne modifiait pas les causes de ré-hospitalisation. Il existait une diminution de 13 à 9 du nombre total de jours d’hospitalisation. Néanmoins la durée des réadmissions pour la deuxième période était plus longue (principalement du fait de 2 patients avec des durées très longues).

Résumé 14. M Schmidt et al. Caroline du Nord USA

Un modèle pour prédire la réadmission non attendue après une chirurgie chez le patient avec cirrhose.

Considérant que près de 40 % des patients atteints d’une cirrhose et opérés sont ré-hospitalisés dans le mois suivant leur sortie, les auteurs de ce travail ont cherché à prédire la ré-hospitalisation précoce. Un modèle prédictif permettrait de cibler les personnes à risque.
Entre 2011 et 2013 les données pré per (temps sur la table principalement) et post opératoires ont été analysées chez 3512 patients atteints d’une cirrhose et opérés. 25 % des réadmissions survenaient dans les 15 premiers jours. Le modèle était le plus performant à J15 et l’AUROC était à 0.835 (contre 0.5 pour le MELD : cela concerne des patients déjà sélectionnés pour la chirurgie !). Les paramètres associés à la réadmission étaient le sepsis (OR 6), l’insuffisance rénale (OR 4). A noter qu’à chaque jour de plus hospitalisé après la chirurgie, on diminuait de 14 % le risque de réadmission, ce qui pose la question d’une sortie trop précoce. L’intérêt de ce modèle est peut-être de manière générale identifier les patients les plus à risque pour adapter ou individualiser les programmes d’éducation.

  • ascite régime sans sel diurétiques, surveillance du poids, conduite à tenir en cas de mauvaise hydratation.
  • encéphalopathie : médicaments interdits, situations à risque de précipiter un épisode, information sur les risques (conduite d’engins…), premiers signes d’alarme.
  • hémorragie : observance des béta-bloquants, information sur leurs effets secondaires, prise d’AINS et d’aspirine, signes d’alarme.
  • carcinome hépatocellulaire et dépistage.

Si chacun a l’impression de prendre le temps de donner toutes les informations nécessaires, ne soyons pas certains que cela suffise. Le taux de réadmission précoce pourrait être utilisé pour évaluer nos pratiques et permettre en cas de dépassement manifeste de prendre les mesures appropriées à chaque situation ou singularité. Il vaut d’ailleurs peut être mieux que nous l’examinions avant que d’autres le fassent pour nous.
Les moyens pour y parvenir dépendront de l’analyse des causes qui peuvent être multiples et associées mais la structuration d’une éducation thérapeutique autour de la cirrhose est certainement une piste à creuser. Si les moyens ne permettent pas de muscler nos interventions chez tous les patients, alors l’indentification des sujets les plus à risque pourrait être une première étape. L’impact sur le pronostic et le coût de nos interventions devront dans tous les cas être les critères de jugement finaux.

(1) U Balla et al. Early readmissions to the department of medicine as a screening tool for monitoring quality of care problems. Medicine (Baltimore) 2008; 87:294-300
(2) ML Volk et al. Hospital Re-Admissions among Patients with Decompensated Cirrhosis. Am J Gastroenterol 2012; 107: 247–252
(3) Paterno F et al. Hospital utilization and consequences of readmissions after liver transplantation Surgery 2014;156: 871-810