Les Éditos de l'AFEF

Culture cellulaire et impression biologique en 3D: de nouvelles approches en hépatologie pour la compréhension des fonctions hépatiques

Par : Samson Michel
Docteur - IRSET U.1085, Institut de Recherche en Santé, Environnement et Travail, Inserm, EHESP, Université de Rennes 1

La culture cellulaire dite en 2 dimensions ou culture en mono-couche, des différents types de cellules qui composent le foie (culture primaire d’hépatocytes humains, de cellules sinusoïdales endothéliales, de cellules biliaires, de cellules immunitaires hépatiques, etc..) ou de différentes lignées cellulaires issues de cancer du foie (HUH-7, HepG2, Hep3B, …) a permis au cours des 40 dernières années [1] de préciser ou de découvrir des voies de signalisation, des mécanismes de détoxification des xénobiotiques (médicaments ou polluants) en découvrant les différents cytochromes et transporteurs impliqués, les principaux métabolismes des glucides, des acides animés, des lipides et leurs régulations fines, etc … Autant de travaux qui ont permis la découverte de nouveaux traitements, comme le Sorafenib, ou la compréhension de mécanismes d’action de médicaments, comme pour le paracétamol.

De nouvelles technologiques ou des améliorations dans les procédés de culture cellulaire permettent dorénavant de réaliser des cultures cellulaires en 3 dimensions ou des impressions de différents composants du foie (cellules hépatiques et matrice) en 3 dimensions qui permettent d’adresser de nouvelles questions de recherche voire de revisiter certains résultats.
Cet édito fait le point sur ces deux nouvelles technologiques au service de la compréhension des fonctions du foie.

Culture cellulaire 3D

Afin d’adopter des comportements fonctionnels et de représenter une cytoarchitecture, les plus proches des conditions in vivo, les hépatocytes humains ou de rongeurs sont mis en culture dans un environnement leur permettant de former des structures appelées sphéroïdes dans lesquelles ces cellules peuvent interagir entre elles. De nombreux supports ont été développés pour la culture 3D comme les éponges (à base de polymères ou de protéines de la matrice extracellulaire), les gels (synthétiques ou naturels) ou encore des supports plastiques (inserts ou film avec une micro-structure). La matrice extracellulaire (MEC) joue un rôle déterminant dans l’activité et la viabilité des cellules. Les collagènes, les glycoprotéines et les glycosaminoglycanes (GAG) constituent la majorité de la MEC du foie. En culture cellulaire 3 dimensions, les hépatocytes sont cultivés dans un mélange de protéines RGDS (pour tétrapeptide arginine (R)-glycine (G)-aspartate (D)-sérine (S)), d’acide hyaluronique greffé avec de la galactosamine, d’agent de réticulation dihydrazide d’acide adipique et de protéines de la matrice extracellulaire (collagène de type I et collagène de type IV).

Dans ces conditions de culture, il a été rapporté que les hépatocytes humains primaires et certaines lignées de cancer de foie comme les HepG2, restent viables plus longtemps en culture 3D (> 1 mois pour les hépatocytes humains en culture primaire) par rapport à la culture 2D (quelques jours seulement). De plus, les hépatocytes humains en culture 3D expriment un niveau de cytochromes P450 comme le CYP1A1, CYP2B6, etc…, bien supérieur à celui en culture 2D ce qui confèrent aux hépatocytes une activité métabolique bien supérieur et sur un temps plus long.
Ainsi, les cultures cellulaires 3D sont devenues un outil indispensable pour les études de toxicologie.

Sphéroïdes d’hépatocytes humains. Photos de Georges Baffet, Directeur de recherche Inserm à l’Irset U.1085 – Equipe DYMEC, georges.baffet@inserm.fr

Bio impression en 3D

L’impression 3D consiste à construire un objet par ajout ou agrégation de matière afin par exemple de reconstituer un organe tel que le foie à partir de différents types de cellules et de macromolécules qui une fois agencés permet à l’organe de maintenir son intégrité et d’être fonctionnel. Ces constructions 3D plus proches de la réalité sont appelées les organoïdes.

A ce jour, il se s’agit pas encore de construire un foie miniature mais d’imprimer dans un support solide des hépatocytes agencés en trame avec des cellules endothéliales sinusoïdales afin de reformer les capillaires sanguins et d’y associé péricytes ou cellules immunitaires.

Grâce à l’utilisation d’une imprimante 3D qui fonctionne avec de l’encre biologique, la bio-impression consiste à déposer des gouttes d’un liquide enrichi en nutriments contenant un ensemble de cellules en suspension. La solidité de la structure 3D est permise soit par l’ajout d’une seconde encre biologique qui contient un hydrogel soit par une résine liquide photosensible qui soumise au UV va polymériser et rendre la construction rigide. Comme pour la culture cellulaire 3D, plusieurs types de cellules hépatiques de diverses origines peuvent être bio-imprimés, rendant la construction de plus en plus complexe et proche de la réalité tissulaire in vivo.

Même si la constitution d’un greffon de foie qui puisse être implanté chez un receveur reste un rêve ou une utopie, l’utilisation de l’impression biologique 3D dans le cadre de la découverte de nouveaux médicaments en laboratoire est envisageable dans un avenir proche. En effet, la reconstitution d’un fragment de foie avec des cellules très différentiées et qui présentent une architecture, une organisation et un dialogue entre cellules proche des conditions in vivo devraient grandement aider à la prédiction de l’efficacité de médicaments.

Références

[1] Miyazaki K, Takaki R, Nakayama F, Yamauchi S, Koga A, Todo S. Isolation and primary culture of adult human hepatocytes. Ultrastructural and functional studies. Cell Tissue Res. 1981;218(1):13-21