Les Éditos de l'AFEF

Le granulome hépatique : un vrai casse-tête !

Par : Sebagh Mylène
Docteur - Laboratoire d’anatomo-pathologie, Hôpital Paul-Brousse

La définition du granulome est anatomopathologique et correspond à un amas de macrophages modifiés (cellules épithélioïdes), apportés sur le site inflammatoire lors de la phase initiale vasculoexsudative et qui peuvent fusionner pour former des cellules géantes, entouré de cellules inflammatoires, essentiellement des lymphocytes T et des fibroblastes. Les cellules géantes sont des cellules multinucléées de grande taille aux noyaux allongés, clairs, comportant une chromatine fine et un petit nucléole. Le granulome traduit habituellement une réaction inflammatoire chronique en réponse à la persistance d’un agent exogène (agent infectieux, corps étranger ou agent minéral). Dans ces cas, le granulome représente un exemple de réaction d’hypersensibilité retardée à certaines stimulations antigéniques. Dans certains cas comme dans la sarcoïdose ou les lymphomes, l’agent antigénique n’est pas connu, posant un véritable problème diagnostique lorsque la maladie de fond n’est pas connue. La fréquence des granulomes dans les séries anatomopathologiques de biopsies hépatiques est d’environ 4 % et peut atteindre 15 % dans des séries plus anciennes.

Les problèmes diagnostiques d’une hépatite granulomateuse peuvent se poser schématiquement dans deux situations:

  • Le granulome hépatique est trouvé dans le cadre d’une maladie granulomateuse extra-hépatique connue et dans ce cas la démarche visera surtout à éliminer un processus surajouté, notamment infectieux.
  • Le granulome hépatique est découvert au cours de l’exploration d’anomalies hépatiques «isolées » ; la démarche diagnostique aura alors pour objectif principal de porter le diagnostic de la maladie causale sous-jacente.

Les principales causes de granulomatose hépatique (Tableau) sont représentées par les désordres autoimmuns (parmi lesquels la sarcoïdose et la cholangite biliaire primitive), les infections (virales, bactériennes, parasitaires et fongiques), les tumeurs parmi lesquels les lymphomes hodgkinien et non hodgkiniens et les tumeurs solides. Pour environ 3 à 37% des cas, aucune cause n’est identifiée en dépit d’une enquête extensive.

Une démarche méthodique est indispensable (Fig. 1), compte tenu du grand nombre des causes possibles. Cette démarche repose sur les données épidémiologiques, histologiques et cliniques. Bien souvent, les renseignements cliniques sont insuffisants voire absents. Le rôle du pathologiste est alors essentiel. Il est en première ligne et permet de guider au mieux les explorations complémentaires et d’augmenter leur rentabilité.
Parmi les données histologiques, l’aspect des granulomes, leur topographie et la présence éventuelle d’autres lésions associées sur la biopsie hépatique orientent vers une étiologie. Les colorations spéciales (PAS, Grocott et Ziehl) à la recherche d’un agent infectieux pathogène ainsi que l’examen histologique en lumière polarisée à la recherche d’un corps étranger sont systématiques dans la pratique du pathologiste.

L’aspect des granulomes permet de distinguer plusieurs types (Figure 2):

  • Les microgranulomes et lipogranulomes, à la limite du physiologique et qui ne doivent pas conduire à une enquête étiologique ;
  • Les granulomes épithélioïdes (avec ou sans nécrose) ;
  • Les granulomes avec anneau de fibrine (fibrin-ring granulomas) centrés sur une vacuole lipidique ;
  • Les granulomes à corps étranger.

La morphologie des granulomes n’est pas spécifique. Cependant quelques caractéristiques peuvent orienter : par exemple, la nécrose caséeuse oriente vers la tuberculose. La présence de plasmocytes oriente vers la syphilis. La présence de polynucléaires éosinophiles oriente vers une étiologie médicamenteuse ou parasitaire. La présence d’un anneau de fibrine oriente vers la Fièvre Q.

La topographie des granulomes guide vers une étiologie. Par exemple, dans la cholangite biliaire primitive et la sarcoïdose, les granulomes sont observés dans les régions portales et périportales, alors que les granulomes induits par une toxicité médicamenteuse sont volontiers trouvés dans le lobule.

Parmi les lésions associées, la cholangite destructrice granulomateuse est pathognomonique de la cholangite biliaire primitive.

En bref, les granulomatoses hépatiques sont de cause très diverse. Leur prise en charge doit répondre à une première ligne d’investigations permettant d’éliminer les causes les plus fréquentes avant d’envisager les causes plus rares par des explorations ciblées. Les renseignements cliniques sont indispensables. Il faut insister sur le rôle prépondérant du pathologiste. Les granulomatoses hépatiques restant d’étiologie indéterminée représentent encore 10 à 30 % de l’ensemble des granulomatoses. Leur pronostic semble favorable, mais elles nécessitent une surveillance régulière afin de ne pas méconnaître une pathologie sous-jacente méconnue initialement.

Tableau (d’après Marcy Coash et al. Journal of the Formosan Medical Association (2012) 111, 3-13)

Figure 1
G. Geri, P. Cacoub / La Revue de médecine interne 32 (2011) 560–566
Fig. 1. Démarche diagnostique devant une hépatite granulomateuse

Figure 2 : Différents types de granulomes hépatiques

Granulome épithéloide

Lipogranulome

Granulome riche en polynucléaires éosinophiles

Références

G.Geri, et al. La Revue de médecine interne 32 (2011) 560–566

Marcy Coash et al. Journal of the Formosan Medical Association (2012) 111, 3-13