Les Éditos de l'AFEF

Le microbiome: acteur et marqueur de la sévérité des NAFLD

Par : Gual Philippe
Docteur - INSERM U-1065-C3M, équipe 8 « complications hépatiques de l’obésité », Nice

Les bactéries intestinales qui nous colonisent représentent des milliers d’espèces bactériennes dont la plupart ne sont actuellement pas encore identifiées. Ce microbiote intestinal contribue aux anomalies métaboliques et à la dysfonction du système immunitaire intestinal et pourrait promouvoir le développement des complications de l’obésité dont le diabète de type 2 et les stéatopathies métaboliques (NAFLD pour Non Alcoholic Fatty Liver Diseases). La “dysbiose” intestinale, qui définit un déséquilibre dans la répartition des phyla bactériens, a été associée à l’obésité, au diabète de type 2 et aux NAFLD. Définir une signature bactérienne intestinale (entérotype bactérien) spécifique en fonction des atteintes hépatiques pourrait être un enjeu extrêmement intéressant et important dans la compréhension de la pathogenèse des NAFLD.

Une étude récente publiée dans Cell Metabolism [1] a exploré la possibilité que des « signatures » marqueurs “mirobiales” pourraient constituer une approche pour le diagnostic des NAFLD. Sur une cohorte d’étude, ces auteurs ont identifié un panel de 37 espèces bactériennes qui différencient les patients avec ou sans fibrose modérée (F0-F2, N=72) d’une fibrose avancée (F3-F4, N=14). Le model proposé présente une AUC de 0,936. Sur une cohorte de validation (16 patients avec une fibrose avancée versus 33 patients sans ou avec fibrose modérée), l’AUC n’était que de 0,81. Cependant, parmi les 9 espèces bactériennes identifiées sur cette cohorte de validation, qui différencient cette fibrose avancée de la fibrose modérée, 7 sont identiques à celles identifiées dans la cohorte d’étude. Cette étude pilote est très prometteuse et des études sur de larges cohortes restent nécessaires. Des études précédentes avaient aussi identifiés des phyla différents associés à l’atteinte hépatique, mais d’autres approches: PCR quantitative [2], “microarray” basé sur l’ARNr 16S [3] et le séquençage de l’ARNr 16S [4, 5]. Cette dernière étude est la seule à avoir réalisé un méta-génome complet par séquençage du génome bactérien total [1] et constitue une base de données solide pour rechercher les mécanismes moléculaires responsables du développement et de la sévérité des NAFLD.

Dans cette étude, les espèces bactériennes associées à la sévérité de la fibrose qui sont enrichies appartiennent au phylum des Bacteroïdetes (bactérie Gram- qui sont des sources de Lipopolysaccharide (LPS)) et des Proteobacteria (bactérie Gram-) par contre celles qui sont moins abondantes sont les Firmicutes (bactérie Gram+). Ces résultats renforcent le rôle important du LPS (endotoxemia) dans le développement de l’inflammation et de la fibrose hépatique [6]. De façon intéressante dans le phylum des Proteobacteria, les Escherichia Coli qui appartiennent à la famille des enterobacteriaceae sont fortement augmentés avec la fibrose et sont capables de produire de l’alcool. Cette production d’alcool endogène pourrait aussi favoriser le développement des complications hépatiques chez les obèses [7].

Ce microbiome est donc un acteur mais aussi potentiellement un marqueur des NAFLD. Agir sur le microbiote intestinal pourrait permettre de réguler les taux de LPS, de débris bacteriens (PAMPS), d’acides gras à courtes chaines, de l’alcool endogène, des acides biliaires secondaires, et de la choline qui contribuent aux développements des NAFLD. Ces différentes stratégies thérapeutiques visant à modifier le microbiote pourront être aussi transposées sur d’autres maladies chroniques du foie comme les maladies alcooliques du foie pour lesquelles l’axe intestin-foie joue aussi un rôle très important [8].

Différentes approches sont en développement et sont prometteuses mais sont toutes confrontées aux problèmes de maintenir les effets sur la composition de la flore intestinale à long terme et de la réponse intra-individuelle. Un transfert de microbiote de sujets minces sur des patients diabétiques a été récemment réalisé. Cette approche thérapeutique est bien associée à une amélioration de la sensibilité à l’insuline mais reste transitoire [9]. L’engouement de la recherche et la puissance des approches utilisées (Giant big data) vont permettent des avancées rapides dans ce domaine et surpasser ces contraintes.

Références

[1] Loomba R, Seguritan V, Li W, Long T, Klitgord N, Bhatt A, et al. Gut Microbiome-Based Metagenomic Signature for Non-invasive Detection of Advanced Fibrosis in Human Nonalcoholic Fatty Liver Disease. Cell Metab 2017;25:1054-1062 e1055.
[2] Mouzaki M, Comelli EM, Arendt BM, Bonengel J, Fung SK, Fischer SE, et al. Intestinal microbiota in patients with nonalcoholic fatty liver disease. Hepatology 2013;58:120-127.
[3] Michail S, Lin M, Frey MR, Fanter R, Paliy O, Hilbush B, et al. Altered gut microbial energy and metabolism in children with non-alcoholic fatty liver disease. FEMS Microbiol Ecol 2015;91:1-9.
[4] Boursier J, Mueller O, Barret M, Machado M, Fizanne L, Araujo-Perez F, et al. The severity of nonalcoholic fatty liver disease is associated with gut dysbiosis and shift in the metabolic function of the gut microbiota. Hepatology 2016;63:764-775.
[5] Zhu L, Baker SS, Gill C, Liu W, Alkhouri R, Baker RD, et al. Characterization of gut microbiomes in nonalcoholic steatohepatitis (NASH) patients: a connection between endogenous alcohol and NASH. Hepatology 2013;57:601-609.
[6] Seki E, De Minicis S, Osterreicher CH, Kluwe J, Osawa Y, Brenner DA, et al. TLR4 enhances TGF-beta signaling and hepatic fibrosis. Nat Med 2007;13:1324-1332.
[7] Zhu L, Baker RD, Zhu R, Baker SS. Gut microbiota produce alcohol and contribute to NAFLD. Gut 2016;65:1232.
[8] Louvet A, Mathurin P. Alcoholic liver disease: mechanisms of injury and targeted treatment. Nat Rev Gastroenterol Hepatol 2015;12:231-242.
[9] Kootte RS, Levin E, Salojarvi J, Smits LP, Hartstra AV, Udayappan SD, et al. Improvement of Insulin Sensitivity after Lean Donor Feces in Metabolic Syndrome Is Driven by Baseline Intestinal Microbiota Composition. Cell Metab 2017;26:611-619 e616.