Les Éditos de l'AFEF

Le stress du réticulum endoplasmique et les maladies chroniques du foie

Par : Bailly-Maître Béatrice
Docteur - INSERM U1065 C3M Centre Méditerranéen de Médecine Moléculaire

Conséquence du mode de vie moderne du 21e siècle, un faible engagement dans l’activité physique et un apport calorique riche ont grandement contribué à une augmentation sans précédent de l’incidence de l’obésité ces dernières décennies à travers le monde (1).

Aux États-Unis, on prévoit que presque un adulte sur deux sera obèse d’ici 2030 (2). Ainsi, la prévalence du syndrome métabolique et de ses comorbidités (diabète de type 2, maladies cardiovasculaires) ont également considérablement augmenté avec une répercussion sur notre système de santé, conséquences de l’obésité mais aussi du vieillissement mondial de la population. Le coût global de la prise en charge de ces comorbidités varie de 4 à 10 % des budgets de santé totaux.

A l’heure actuelle, la maladie du foie gras non-alcoolique (NAFLD), manifestation hépatique du syndrome métabolique, affecte 20-25 % de la population mondiale et 75-100% des individus obèses, entraînant une morbi-mortalité importante à travers le monde. Jusqu’à 40 % des personnes atteintes de NAFLD développent une stéatohépatite non alcoolique (NASH), la forme agressive de la maladie définie par la combinaison de la stéatose (accumulation de lipides au sein des hépatocytes) avec une mort hépatocellulaire (ballonnisation des hépatocytes) et une inflammation lobulaire hépatique. Le cercle vicieux entre la mort hépatocellulaire et l’inflammation peut conduire à l’activation de la fibrogenèse hépatique. L’accumulation de tissu fibrotique est de mauvais pronostic dans la maladie.

Il n’existe pas de traitements pharmacologiques disponible pour la NASH. L’échec de certains essais cliniques montre qu’une exploration détaillée d’approches thérapeutiques nouvelles et intégrées dans la gestion de cette pathologie est nécessaire.

Dans la NAFLD, l’accumulation excessive de lipides au sein des hépatocytes est associée à un stress du réticulum endoplasmique (RE). En effet, les lipides perturbent l’homéostasie du RE, un organite intra-cellulaire qui régit la synthèse et le repliement conforme des protéines. L’altération de la capacité de repliement des protéines conduit à une accumulation de protéines mal conformées dans sa lumière, un état appelé « stress du RE » qui déclenche l’activation de la réponse hépatique aux protéines mal-conformées (UPR pour Unfolded Protein Response). Ainsi, lors de l’obésité, l’activation chronique de la réponse UPR joue un rôle clé dans la pathogenèse de la NAFLD. Au niveau moléculaire, PERK (protein kinase r-like ER kinase), IREα (inositol-requiring enzyme 1α) et ATF6 (activating transcription factor 6) constituent les trois voies principales de cette voie de signalisation UPR.

Cependant, si le stress du ER persiste, comme c’est le cas lors de l’obésité, les mêmes voies de la réponse UPR déclencheront la mort cellulaire par apoptose et l’activation de l’inflammation. On parlera alors d’« UPR terminale ».

Les études suggèrent que l’UPR est un déclencheur de la mort hépatocellulaire et donc un accélérateur potentiel de l’inflammation conduisant à la stéatohépatite et à la fibrose (4). L’UPR est également impliqué dans la fibrogenèse, participant à l’activation des cellules étoilées hépatique en myofibroblastes soutenant la production de collagène et aggravant la fibrose.

À cet égard, la compréhension des mécanismes moléculaires liant la réponse « UPR terminale », à la mort cellulaire et à l’inflammation dans l’obésité pourrait dévoiler des cibles thérapeutiques potentielles pour lutter contre ces maladies chroniques du foie.

Ainsi, à la suite du développement de nouveaux inhibiteurs de ces voies de l’UPR et des résultats encourageants obtenus au sein de modèles pré-cliniques des maladies du foie, il apparaît que cibler spécifiquement pharmacologiquement ces voies de l’UPR soit pertinente dans leur prise en charge thérapeutique (4,5).

Références

  1. Ogden CL, Carroll MD, Curtin LR, Lamb MM, Flegal KM. Prevalence of high body mass index in US children and adolescents, 2007-2008. JAMA. 2010; 303(3): 242- 249.
  2. Ward ZJ, Bleich SN, Cradock AL, et al. Projected US state-level prevalence of adult obesity and severe obesity. N Engl J Med. 2019; 381(25): 2440- 2450.
  3. Ron D, Walter P. Signal integration in the endoplasmic reticulum unfolded protein response. Nat Rev Mol Cell Biol. 2007; 8(7):
    519- 529.
  4. Lebeaupin C, Vallée D, Hazari Y, Hetz C, Chevet E, Bailly-Maitre B. Endoplasmic reticulum stress signalling and the pathogenesis of non-alcoholic fatty liver disease. J Hepatol. 2018 Oct;69(4):927- 947.
  5. Ajoolabady A, Kaplowitz N, Lebeaupin C, Kroemer G, Kaufman RJ, Malhi H, Ren J. Endoplasmic reticulum stress in liver diseases. Hepatology. 2022 May 6:10.1002/hep.32562