Les Éditos de l'AFEF

Micro-ARN miR-122 et hépatite C. L’arme fatale ?

Par : Dubuisson Jean
Docteur - Centre d’Infection & d’Immunité de Lille, Inserm-1016, CNRS-8204

Les micro-ARN forment une classe d’ARN simple brin non codants d’une taille variant entre 19 et 25 nucléotides. Ces petits ARN sont des régulateurs post-transcriptionnels capables d’éteindre l’expression d’un gène. Leur appariement à une séquence complémentaire de l’ARN messager du gène cible conduit à la répression traductionnelle ou à la dégradation de cet ARN messager. Les micro-ARN constituent une large famille de gènes correspondant à environ 1% du génome humain et ils modulent l’expression d’au moins un tiers de tous les ARN messagers humains. Les micro-ARN jouent un rôle important dans différents processus biologiques au cours du développement, de la prolifération cellulaire, de l’apoptose, du cancer ou dans les infections virales (Szabo and Bala, 2013). Dans le monde des micro-ARN, miR-122 occupe une place particulière pour les chercheurs ou cliniciens s’intéressant de près ou de loin au foie. En effet, miR-122 est exprimé spécifiquement dans l’hépatocyte et il représente plus de 70% des micro-ARN du foie humain (Sedano and Sarnow, 2015). De plus, de nombreuses études indiquent que miR-122 est un régulateur du métabolisme lipidique. En effet, l’inhibition de miR-122 par des oligonucléotides antisens conduit à une réduction importante de la synthèse des acides gras et du cholestérol.

De façon intéressante, le virus de l’hépatite C (VHC) exploite la présence de miR122 au sein de l’hépatocyte pour faciliter la réplication de son génome (Jopling et al., 2005). L’inhibition de la réplication du VHC en culture cellulaire par des oligonucleotides antisens dirigés contre miR-122 a conduit à proposer ce micro-ARN comme cible thérapeutique pour lutter contre l’hépatite C et des études pré-cliniques chez le chimpanzé ont montré l’efficacité potentielle de ce type d’approche (Lanford et al., 2010). De plus, un essai clinique de phase 2 a confirmé l’efficacité de cette approche antivirale chez l’homme, avec des taux indétectables d’ARN viral chez plusieurs patients traités au Miravirsen (Janssen et al. 2013). Il est intéressant de noter qu’aucune mutation de résistance n’est apparue dans cette étude qui constitue le premier essai clinique ciblant un micro-ARN. Il est cependant important de noter que les souris n’exprimant plus le gène de miR-122 ont une forte tendance à développer une stéatohépatite ainsi qu’un carcinome hépatocellulaire (Szabo and Bala, 2013), suggérant que cette approche thérapeutique ne serait pas dénuée de risques.

En raison de leur grande stabilité, les micro-ARN sont également considérés comme des bio-marqueurs potentiels de pathologies hépatiques. En effet, de nombreuses études indiquent une augmentation de miR-122 sérique dans différentes pathologies hépatiques, y compris dans l’hépatite C (Szabo and Bala, 2013).

D’un point de vue fondamental, des travaux récents commencent à mettre en lumière le mode d’action pro-viral de miR-122 dans la réplication du VHC. Il a d’abord été montré que la région 5’ non codante du génome du VHC possède deux sites de liaison pour le miR-122 et il a été suggéré que la formation de complexes entre le génome viral et miR-122 protégerait l’ARN viral de la dégradation ou des senseurs de la réponse immunitaire innée (Machlin et al., 2011). Plus récemment, il a été démontré que miR-122 protège l’ARN viral de la dégradation induite par les exoribonucléases 5’-3’ Xrn1 et Xrn2 (Sedano and Sarnow, 2015). Il est important de noter qu’en plus de miR-122, différents facteurs de la voie de micro-ARN peuvent également présenter un effet proviral dans la réplication du VHC, notamment la protéine argonaute contribuerait également à la protection de l’ARN viral contre la dégradation. Très récemment, il a été montré que par le biais de son interaction avec miR-122, le génome du VHC fonctionnerait comme une éponge en séquestrant miR-122 au niveau du compartiment cellulaire de la réplication virale (Luna et al., 2015). Cet emprisonnement de miR-122 par l’ARN viral conduit alors à une dé-répression globale des cibles cellulaires de miR-122, créant un environnement favorable à long terme pour le développement du potentiel oncogène du VHC. Ces résultats indiquent donc qu’en plus du détournement de miR-122 pour protéger son génome de la dégradation, le VHC est un régulateur spécifique et indirect de ce micro-ARN au sein de l’hépatocyte.

Références

Janssen, H.L., H.W. Reesink, E.J. Lawitz, S. Zeuzem, M. Rodriguez-Torres, K. Patel, A.J. van der Meer, A.K. Patick, A. Chen, Y. Zhou, R. Persson, B.D. King, S. Kauppinen, A.A. Levin, and M.R. Hodges. 2013. Treatment of HCV infection by targeting microRNA. The New England journal of medicine 368:1685-1694.
Jopling, C.L., M. Yi, A.M. Lancaster, S.M. Lemon, and P. Sarnow. 2005. Modulation of hepatitis C virus RNA abundance by a liver-specific MicroRNA. Science 309:1577-1581.
Lanford, R.E., E.S. Hildebrandt-Eriksen, A. Petri, R. Persson, M. Lindow, M.E. Munk, S. Kauppinen, and H. Orum. 2010. Therapeutic silencing of microRNA-122 in primates with chronic hepatitis C virus infection. Science 327:198-201.
Luna, J.M., T.K. Scheel, T. Danino, K.S. Shaw, A. Mele, J.J. Fak, E. Nishiuchi, C.N. Takacs, M.T. Catanese, Y.P. de Jong, I.M. Jacobson, C.M. Rice, and R.B. Darnell. 2015. Hepatitis C Virus RNA Functionally Sequesters miR-122. Cell 160:1099-1110.
Machlin, E.S., P. Sarnow, and S.M. Sagan. 2011. Masking the 5′ terminal nucleotides of the hepatitis C virus genome by an unconventional microRNA-target RNA complex. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 108:3193-3198.
Sedano, C.D., and P. Sarnow. 2015. Interaction of host cell microRNAs with the HCV RNA genome during infection of liver cells. Seminars in liver disease 35:75-80.
Szabo, G., and S. Bala. 2013. MicroRNAs in liver disease. Nature reviews. Gastroenterology & hepatology 10:542-552.