Les Éditos de l'AFEF

Traitements de l’hépatopathie stéatosique métabolique : Quelle efficacité ? Quel coût ?

Par : Dumortier Jérôme
Professeur - Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, Hôpital Edouard Herriot, Lyon

En 2020, on a beaucoup parlé d’une certaine pandémie …. Ce qui en a un peu éclipsé une autre (dans les médias au moins, pas tellement à ma consultation !). L’hépatopathie stéatosique métabolique (terme proposé récemment par un collège d’experts français [à la majorité, pas à l’unanimité] sous l’impulsion de Jérôme B et Clémence C, dans la cadre du nouveau DU « NASH ») est en effet au centre des préoccupations des hépato-gastroentérologues (sur les genoux du roi FIT). Et on n’est pas prêt d’avoir un vaccin (qui va trouver l’ARN messager du whopper ? Karine L, Odile L, si vous me lisez …) !
Au cours du congrès de l’AFEF à Montrouge en octobre (vous vous souvenez les congrès, en présentiel ?….Quel bonheur, et quel cadre magnifique, en plus d’être fonctionnel), le symposium AFEF-SFD (Société Francophone du Diabète) a connu un vif succès et nous a permis d’échanger avec nos collègues qui doivent gérer ces malades avec nous, liens qui vont se renforcer certainement à l’avenir. D’ailleurs il y aura un symposium conjoint aussi au congrès des diabétologues. L’hépatopathie stéatosique métabolique a aussi occupé une grande partie des recommandations de l’AFEF sur le diagnostic non invasif publiées en 2020, pointant l’enjeu majeur du dépistage et de l’évaluation de cette maladie hépatique fréquente. En 2021, la demande de remboursement du Fibroscan dans cette indication et l’évaluation nationale du calcul systématique de tests sanguins comme le Fib-4 dans les laboratoires de ville seront des objectifs très importants. Rappelons que la cohorte CONSTANCES a évalué en France la prévalence de l’hépatopathie stéatosique métabolique à 18,2% de la population adulte (soit environ 8,5 millions de personnes !!), dont 2,6% de fibrose avancée (soit environ 220000 personnes) (1). Puisque nous sommes environ 3500 hépato-gastroentérologues en France, ça fait un peu plus de 2400 malades chacun … Ça peut paraitre beaucoup, mais tout dépend du comparateur (environ 2% de la population a une coloscopie, chaque année, par exemple).

Mais bien sûr, une fois le diagnostic fait, reste l’enjeu du traitement de l’hépatopathie stéatosique métabolique. Et là, les échéances peuvent paraitre plus lointaines …Ou pas. Le premier enjeu est celui de l’efficacité. Actuellement, après de longues discussions, un consensus a émergé sur les objectifs à atteindre (endpoints) : « résolution de la NASH sans aggravation de la fibrose » ou « réduction de la fibrose d’au moins un stade sans aggravation de la NASH ». Pour l’instant tout ça nécessite une biopsie du foie (pardon, DES biopsies du foie !!). De nombreux traitements médicamenteux sont en cours d’évaluation, de plus en plus en association. Les résultats en terme d’efficacité sont encourageants (certains diront décevants). Le premier à avoir démontré une efficacité est l’acide obéticholique : le critère d’amélioration de la fibrose a été atteint par 12% des patients dans le groupe placebo, 18% dans le groupe acide obéticholique 10 mg (p = 0,045) et 23% dans le groupe acide obéticholique 25 mg (p = 0,0002) ; le critère de résolution de la NASH n’a pas été atteint (8% des patients dans le groupe placebo, 11% dans le groupe acide obéticholique 10 mg [p = 0,18] et 12% dans le groupe acide obéticholique 25 mg [p = 0,13]) (2). Finalement la FDA a plutôt opté pour « résultats décevants » puisque l’agence américaine a considéré que l’intérêt thérapeutique n’était pas suffisamment établi par rapport aux risques potentiels. Aux USA, dans son indication « cholangite biliaire primitive » (5 ou 10 mg par jour), le prix d’un traitement mensuel d’acide obéticholique est d’environ de 3 000$, soit 36 000$ par an. A titre de comparaison, on guérit définitivement l’hépatite C actuellement pour 25 000 à 30 000€ en France. Certes, rien ne dit que le coût de l’acide obéticholique sera le même pour des indications différentes, mais je n’ai pas d’exemple en tête …

Autre classe thérapeutique, les analogues de GLP-1 sont déjà disponibles pour le traitement du diabète, et sont évalués dans le traitement de l’hépatopathie stéatosique métabolique, avec ou sans diabète. Les résultats de l’étude évaluant le sémaglutide ont été publiés récemment : le pourcentage de patients chez qui la résolution de la NASH a été obtenue sans aggravation de la fibrose était de 40% dans le groupe 0,1 mg, 36% dans le groupe 0,2 mg, 59% dans le groupe 0,4 mg et 17% dans le groupe placebo (P <0,001 pour le sémaglutide 0,4 mg par rapport au placebo) ; une amélioration du stade de fibrose était observée chez 43% des patients du groupe 0,4 mg et 33% des patients du groupe placebo (p = 0,48) (3). Rappelons que ce type de traitement entraine habituellement une perte de poids, ici 13% en moyenne dans le groupe 0,4 mg (vs. 1% dans le groupe placebo). Le coût d’un traitement mensuel (pour le diabète) en France du sémaglutide (stylos de 1, 2 ou 4 mg) est de 80€ environ, soit 960€ par an.

Mais ….. On toque à ma porte …. Maud R, la chirurgienne « bariatrique » de mon hôpital. « Tu fais quoi ? Un édito sur les traitements de la NASH !!! ». De fil en aiguille (et bistouri) … « Tu as lu le papier récent des lillois ? » Bah oui, des copains … Donc, l’article publié dans Gastroenterology, rapportant les résultats à 5 ans de la chirurgie bariatrique (bypass 66% ou anneau 22% ou sleeve 12%) : 84,4% de résolution de la NASH (pas de groupe placebo, comme le VHC moderne ? tiens, tiens ….) globalement (et 90,5% si le malade perd plus

de 10 kg/m2 d’IMC), et 70,2% d’amélioration de la fibrose (4). Ah quand on traite la cause, ça marche (encore le VHC)… Mais combien ça coûte ? En France, le tarif conventionnel fixé par la Sécurité sociale est de 450€ environ pour un anneau ajustable, 600€ environ pour un bypass, ou une sleeve. Bien sûr les tarifs pratiqués sont souvent supérieurs, à la charge des mutuelles et des malades. Enfin, ce type de chirurgie est associé à un taux de complications non négligeable.
Pour finir, le traitement le plus « simple », et sans effets secondaires ou presque, reste la prise en charge dite « hygiéno-diététique ». Son efficacité, en particulier à long terme est modeste (et c’est un combat de chaque jour). Rappelons que l’on peut maintenant prescrire de l’activité physique, chère à une certaine de mes collègues et amie. Mais d’ailleurs, c’est pas cher !! Le coût annuel par patient est estimé à environ 200€ (5). Comme aurait dit Michel C, « le sport, c’est ceux qui en ont pas besoin qui en font ! ».
En conclusion, à l’heure où on parle beaucoup de filière de soins, pourrait-on imaginer pour la prise en charge de l’hépatopathie stéatosique métabolique un menu modulable comme : médecin généraliste et échographie (voire écho-élasto) et Fib-4 -> diabétologue et Fib-4 et Fibroscan (ça existe j’en ai vu !!) -> hépatologue et Fibroscan/biopsie de foie -> chirurgien bariatrique et agrafes ? L’avenir nous le dira, j’espère qu’on y sera !!!