Les Éditos de l'AFEF

Traitements pharmacologiques de la « NASH-fibrosante » : vers une remise à l’heure ?

Par : Gual Philippe
Docteur - INSERM U-1065-C3M, équipe 8 « complications hépatiques de l’obésité », Nice

Les mécanismes moléculaires impliqués dans le développement et de la progression des NAFLD sont complexes et multi factorielles. Des mécanismes intra-hépatiques mais aussi extra-hépatiques jouent un rôle important. Ainsi des dialogues entre l’axe tissu adipeux/foie et l’axe intestin/foie sont impliqués. Dans le futur, des innovations pharmacologiques pourraient être disponibles pour les patients ayant une NASH-fibrosante. Un nombre croissant d’études pré-cliniques et cliniques sont en cours ciblant notamment la voie « métabolisme-inflammation-fibrogenèse ». Certains composés ciblent l’inflammation et/ou la fibrose (antagoniste des CCR2/CCR5, inhibiteur de la galectin-3..), d’autres le métabolisme (agonistes du FGF21, co-agonistes des PPARs, inhibiteur de l’ACC..), ou encore l’axe intestin-foie (agonistes du FXR, analogues non tumorigénique du FGF19..)[1]. L’association de deux ou plusieurs de ces composés est une stratégie logique en cours de développement.

Pour optimiser l’action de ces futurs traitements, l’association à un changement du style de vie constituerait une approche prometteuse et synergique. De récentes revues résument les bénéfices de la prise en charge nutritionnelle et de l’activité physique sur les NAFLD [2, 3]. Une diminution du poids corporel supérieure à 10 % peut corriger la NASH et améliorer la fibrose hépatique. Une perte de poids plus modeste (>5 %) peut être bénéfique pour le « NAFLD activity score ». Le régime idéal (méditerranéen ?) et le type d’activité physique régulière les plus efficaces restent à déterminer sur des études à long terme. Ces prises en charge hygiéno-diététiques adaptées (MHD) constitueraient aussi une approche thérapeutique pour diminuer les complications cardiovasculaires (voire les cancers ?) associés à la NAFLD.

Ces prises en charge MHD en association avec les futures approches pharmacologiques pourraient faciliter la correction de l’horloge biologique. En effet, les développements de l’insulino-résistance et des NAFLD sont associées à des altérations de l’horloge biologique centrale et périphérique [4-6]. L’oscillation du microbiome intestinal et des métabolites associés, en plus de la modification de sa composition (dysbiose), impactent sur les fonctions hépatiques et le développement des NAFLD. L’horloge musculaire, hépatique et du tissu adipeux régule la sensibilité à l’insuline de ces organes. De même, l’horloge propre du pancréas est un acteur important dans la régulation de la sécrétion d’insuline [4, 5]. Les voies métaboliques hépatiques, le cycle des acides biliaires ainsi que les processus autophagiques et immunitaires/inflammatoires ont des régulations circadiennes régulées par l’horloge biologique. Le microbiote intestinal impacte l’horloge biologique en même temps que l’oscillation des flux métaboliques, la sécrétion des hormones, le renouvellement des acides biliaires, les réponses inflammatoires en réponse aux cycles comportementaux jeûne/alimentation et sommeil/éveil. Les altérations des rythmes physiologiques (chrono-perturbations) favorisent le développement et la progression des NAFLD. Une synchronisation de l’exercice, de la prise alimentaire et de la composition du régime constituent une stratégie à évaluer afin d’optimiser les effets bénéfiques sur la NAFLD. Certaines cibles thérapeutiques, en cours d’évaluation chez les patients, ont aussi un impact sur l’horloge biologique comme les agonistes des PPAR, du FXR, du récepteur du GLP-1 et les analogues du FGF19.

Cependant, une récente étude a mis en évidence une régulation cellulaire autonome de l’expression de gènes hépatiques avec un rythme de 12h, distinct de l’horloge circadienne, qui pourrait coordonner les rythmes métaboliques et du stress cellulaire. Cette régulation de l’expression à 12h pourrait dépendre des stress métaboliques et du réticulum endoplasmique [7]. Parmi les voies de la réponse UPR (unfolded protein response), la protéine transmembranaire du réticulum endoplasmique inositol requiring enzyme 1 (IRE-1) jouerait un rôle important. La diminution de l’expression de ces gènes avec une oscillation à 12 h est fortement corrélée avec la stéatose hépatique et la NASH chez les patients. Ce panel de gènes pourrait donc jouer un rôle important pour le maintien de l’homéostasie métabolique hépatique. Les avancées en progression exponentielle de la pathophysiologie de la NAFLD vont donc permettre d’élargir les cibles thérapeutiques dont la « chronothérapie ».

Références

  1. Tacke, F. and R. Weiskirchen, An update on the recent advances in antifibrotic therapy. Expert Rev Gastroenterol Hepatol, 2018. 12(11): p. 1143-1152.
  2. Romero-Gomez, M., S. Zelber-Sagi, and M. Trenell, Treatment of NAFLD with diet, physical activity and exercise. J Hepatol, 2017. 67(4): p. 829-846.
  3. Perdomo, C.M., G. Fruhbeck, and J. Escalada, Impact of Nutritional Changes on Nonalcoholic Fatty Liver Disease. Nutrients, 2019. 11(3).
  4. Stenvers, D.J., et al., Circadian clocks and insulin resistance. Nat Rev Endocrinol, 2019. 15(2): p. 75-89.
  5. Gabriel, B.M. and J.R. Zierath, Circadian rhythms and exercise – re-setting the clock in metabolic disease. Nat Rev Endocrinol, 2019. 15(4): p. 197-206.
  6. Mazzoccoli, G., S. De Cosmo, and T. Mazza, The Biological Clock: A Pivotal Hub in Non-alcoholic Fatty Liver Disease Pathogenesis. Front Physiol, 2018. 9: p. 193.
  7. Zhu, B., et al., A Cell-Autonomous Mammalian 12 hr Clock Coordinates Metabolic and Stress Rhythms. Cell Metab, 2017. 25(6): p. 1305-1319 e9.