Les Éditos de l'AFEF

Quels seront les bénéfices à long terme des nouveaux traitements de l’hépatite C?

Par : Fontanges Thierry
Docteur - CH Pierre Oudot, Bourgoin-Jallieu
Commentaire d’article – Younossi Z et al. Digestive & Liver Disease 2014
INTRODUCTION

Avec 170 000 000 de personnes infectées dans le monde, l’hépatite C est un enjeu majeur de santé publique. Les patients  infectés  par  le  virus  de  l’hépatite  C  souffrent  physiquement  et  psychologiquement  :  outre  la  maladie  hépatique, l’asthénie, la dépression, l’anxiété ont des répercussions sur leur qualité de vie et la productivité individuelle.
Depuis 2013, de nouvelles  molécules  ont  reçu  une  autorisation  de  mise  sur  le  marché  dans  le  traitement  de  l’hépatite C. Ces dernières permettent un taux de guérison supérieur aux traitements anti viraux antérieurs avec moins d’effets indésirables et une durée plus courte de traitement. Depuis l’obtention de la mise sur le marché de ce traitement, leur prix et les typologies des patients à traiter ont été au cœur des débats.

OBJECTIFS
  • Les  effets  du  traitement  rapportés  par  les  patients  en  matière  de  qualité  de  vie  à  partir  de  nombreux  standards : HRQQL, SF36, QALY’S. Ces standards représentent des échelles officielles d’évaluation de la qualité de vie.
  • Les aspects économiques du traitement de l’hépatite C

L’objectif  de  ce  travail  était  d’analyser  le bénéfice de ces nouveaux traitements sur les résultats virologiques,  cliniques, économiques et sur la qualité de vie des patients selon deux approches :

PRINCIPAUX RESULTATS

De  plus,  les  patients  infectés  par  le  virus  C  ont  souvent  des  manifestations  extra-­‐hépatiques  responsables  d’une  importante altération de la qualité de vie. Parmi ces facteurs, la dépression, la fatigue et l’anxiété sont les plus importants.
L’absence  de  traitement  augmente  évidemment  le  réservoir  de  patients  infectés  par  le  VHC.  Une  étude  anglo-­‐saxonne a montré que si 265000 patients sont actuellement comptabilisés porteurs du VHC, le nombre passerait naturellement à 370000 en 2035. Ainsi, le coût de santé est estimé entre 184 et 367 millions de livres en 2010 et passerait de 210 à 427 millions de livres en 2015 (2). Pour réduire les maladies hépatiques liées au virus C de 80 %, il faudrait traiter trois fois plus de patients (données en Angleterre).
L’analyse de plusieurs études (FISSION, POSITRON, NEUTRINO, FUSION et VALENCE) menée avec le SOFOSBUVIR et portant  sur  la  qualité  de  vie  rapportée  par  les  patients  a  permis  de  définir  des  facteurs  prédictifs  de  mauvaise  réponse au traitement : en tout premier lieu la cirrhose mais aussi des antécédents de dépression, fatigue, anxiété, insomnie (données en analyse multi-­‐variée des études ION 1 et 2). D’ailleurs, ces évènements indésirables étaient exacerbés durant le traitement par bithérapie pégylée.
Ainsi, des  schémas  thérapeutiques  simplifiés  avec  moins  d’effets indésirables  laisseraient  entrevoir  de  meilleurs  résultats en partie en raison d’une meilleure observance thérapeutique. Des études récentes montrent que l’association SOFOSBUVIR +RIBAVIRINE permet d’obtenir une amélioration de la qualité de vie comparée au schéma thérapeutique  comportant  de  l’INTERFERON.  Plus  récemment,  l’association  SOFOSBUVIR+  LEDIPASVIR  a  même  montré une amélioration des résultats sur la qualité de vie durant le traitement. Ces nouveaux traitements d’une durée  de  12  semaines  sont  très  bien  tolérés  et  s’accompagnent  d’une  meilleure  observance.  D’autres  schémas  thérapeutiques comportant de nouvelles molécules sans INTERFERON apportent des résultats similaires (DACLATASVIR).
Analyse économique : grâce aux nouveaux traitements, en guérissant près de 80 à 95% des patients, la population porteuse du VHC devrait diminuer de 85% et la mortalité par maladie du foie de 70%.Les études montrent que le coût moyen des soins hors traitements spécifiques anti viraux d’un patient atteint d’une hépatite à VHC est deux fois supérieur  à  celui  d’une  population  témoin.  D’un  point  de  vue  économique,  le  poids  de  l’hépatite  C  est  immense.  Dans une étude américaine, les coûts des co-­‐morbidités hépatiques, hors cirrhose étaient estimés à 17277 dollars/patient/ année de traitement comparés au 22752 dollars pour les patients atteints d’une cirrhose compensée. Enfin,  les  coûts  associés  à  une  insuffisance  hépatocellulaire  terminale,  un  carcinome  hépatocellulaire  et  une  transplantation hépatique étaient respectivement de 59995 dollars, 112537 dollars et 145 000 dollars/patient/année de traitement. Compte tenu de la prévalence de l’hépatite C, des maladies associées et du coût de chaque stade de la  maladie,  le  fardeau  économique  du  VHC  aux  USA  est  d’environ  9600  milliards  de  dollars  /  an.  L’évaluation  économique s’étend bien au-­‐delà du cout du traitement proprement dit. Cette évaluation devrait inclure le coût du suivi du traitement, de la gestion des effets indésirables, de la prise en charge des complications liées à la maladie ainsi que les coûts liés aux manifestations extra-­‐hépatiques. Il ne faut pas non plus oublier les coûts indirects pour la société. C’est souvent vers l’âge de 40 et 50 ans qu’est découverte l’infection virale C, à une époque où la personne est la plus productive socialement. Un porteur du virus C a un absentéisme significativement supérieur à un sujet sans infection virale (1.5 fois supérieur). Dans une étude récente, l’association SOFOSBUVIR + LEDIPASVIR a permis de  constater  une  amélioration  en  termes  de  productivité  individuelle.  Si  on  envisage  un  traitement,  la  prise  en  charge thérapeutique doit tenir compte du coût global du monitoring des patients : suivi clinique, analyse biologique, cout de prise en charge des effets indésirables (dépression, rash cutané, anémie, leucopénie-­‐thrombopénie…) Ainsi le coût des trithérapies comportant des anti-­‐protéases de 1ère génération était largement augmenté par la gestion des effets indésirables et du monitoring viral.
Les analyses économiques des nouveaux traitements se positionnent en faveur de schémas thérapeutiques simples, sans INTERFERON et sans RIBAVIRINE, de durée courte et d’efficacité remarquable quasiment sans effet indésirable. Des études sur les données de la vraie vie sont en cours.
Comparé  à  d’autres  maladies  chroniques  (diabète  de  type  2,  polyarthrite  rhumatoïde,  infection  à  VIH,  cancer  broncho-­‐pulmonaire ou sclérose en plaque), si le coût initial du traitement antiviral semble très élevé, à moyen et long terme, grâce à la guérison et à la reprise d’une activité professionnelle, grâce à la disparition de manifestations symptomatiques, délétères appréciées par les différents scores de qualité de vie, ce surcoût semble pouvoir devenir relatif et s’effacer au fil du temps.

CONCLUSION

L’hépatite C chronique a des conséquences multi-­‐factorielles délétères pour les patients qu’il s’agisse de la maladie hépatique, des manifestations extra-­‐hépatiques et de la qualité de vie. Les nouveaux traitements sans INTERFERON et  sans  RIBAVIRINE  améliorent  les  résultats  de  façon  spectaculaire.  L’amélioration  obtenue  permet  de  nuancer  et  relativiser le poids financier du coût du traitement grâce à un impact positif sur le patient, sa famille et la société. Il serait important de mieux documenter la répercussion de l’impact d’une infection à virus C sur la productivité individuelle et les conséquences pour le patient porteur du virus C. Les récentes données économiques portant sur ces  nouveaux  traitements  montrent  leur  efficacité  et  un  réel  bénéfice  économique  pour  la  société.  L’approche  exclusivement comptable du coût du traitement est insuffisante et justifie d’une approche plus globale en santé publique.

REFERENCES

1- Zalesak M. Francis K, Cedeon A et al. Current and the future disease progression of the chronic HCV population in the United States. PLOS ONE 2013 : 8 : e63959

2-­ Patruni  B,  Nolte  E.  A  projection  of  the  healthcare  and  economic  burden  in  the  UK  RAND  corporation  report  Hepatitis C. Prepared for the Hepatitis C Trust : 2013 Obtained from the world wide web at RAND Europe : http://www.rand.org/randeurope (accessed 29.07.14)

3-­ Holmberg SD, Spradling PR, Moorman AC, et al. Hepatitis C in the United States, N Eng J Med 2013; 368 : 1859-­‐61.