Les Éditos de l'AFEF

Traitements de la CBP : Et un et deux, et trois… zéro ???

Par : Rosa Isabelle
Docteur - Service d’Hépato-Gastro-Entérologie, CHI de Créteil

La cholangite biliaire primitive est devenue depuis la fin de l’hépatite C une des pathologies hépatiques ayant eu le plus gros regain d’intérêt. Cette pathologie était considérée aux débuts de la transplantation comme la maladie hépatique ayant la meilleure indication de transplantation, avec le meilleur taux de survie, comparée aux pathologies virales ou alcooliques. Dans la suite, la CBP est sortie du champ des préoccupations des hépatologues : maladie rare, un traitement unique, l’acide ursodésoxycholique, et lorsque la maladie s’aggravait il ne restait que le recours à la transplantation hépatique.

Puis, en 2016, est arrivé l’acide obéticholique. Ce médicament a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle accélérée pour les patients considérés non répondeurs au traitement de référence à la suite de la publication de l’essai Poise. La CBP est alors revenue dans la lumière et on s’est à cette occasion souvenu des 40% de patients avec une réponse insuffisante à l’acide ursodésoxycholique, de l’évolution défavorable de la maladie et des symptômes invalidants qu’elle entraine pour les patients atteints. L’utilisation de l’acide obéticholique a été freinée par les problèmes de tolérance notamment par la possible majoration du prurit, et finalement en France, a été détrônée par l’utilisation du bezafibrate sur les résultats des travaux de l’équipe de Saint Antoine. L’essai Bezurso a effectivement permis de montrer un effet significatif contre placebo sur la réponse biochimique et sur la fibrose chez les patients non répondeurs. Largement utilisé en seconde intention, ce traitement reste hors AMM. La commission de transparence en France ayant donné une ASMR V (pas d’amélioration du service rendu), l’acide obéticholique n’a pas été commercialisé en France. La publication de l’essai Cobalt incluant 434 patients, débuté en 2015 et arrêté prématurément en 2021 n’a pas réussi à mettre en évidence de gain en termes de survie ou d’évènements entre le groupe traité par acide obéticholique et le placebo. L’EMA et la FDA ont donc retiré l’AMM de ce médicament en aout 2024, avec annulation de cette décision en septembre par le tribunal européen. Affaire à suivre….

Et les malades dans tout ça ?? Plus de 300 patients sont actuellement traités par acide obéticholique en France : leur traitement est assuré jusqu’à la fin de l’année, peu de visibilité au-delà…

L’espoir vient de l’arrivée de deux nouvelles molécules : l’Elafibranor et le Seladelpar dont les résultats viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medecine. Ces deux molécules sont des agonistes PPAR comme le Bézafibrate (agoniste PPAR non sélectif) mais le Séladelpar est un agoniste sélectif PPAR Delta alors que l’Elafibranor est un agoniste sélectif alpha et delta. L’étude évaluant l’efficacité du Seladelpar menée chez 193 patients a mis en évidence une diminution significative de la cholestase dans 62% des cas versus 20% dans le groupe placebo, avec également une diminution significative du prurit. Concernant l’Elafibranor, une réduction significative de la cholestase était observée chez 51% des patients recevant l’Elafibranor versus 4% dans le groupe placebo, sans atteindre l’objectif sur le prurit.  Il n’est pas question de comparer ces deux médicaments entre eux, ni avec le Bézafibrate ou à l’acide obéticholique.

L’AMM pour ces deux molécules est en attente en France avec possibilité de demande d’accès précoce pour l’Elafibranor chez les patients non cirrhotiques ayant une réponse insuffisante ou une intolérance à l’acide ursodésoxycholique. Il n’existe pour le moment aucune donnée sur le long terme avec ces deux molécules et aucune donnée sur une amélioration de la survie. Il est à craindre néanmoins que ces résultats, bien que prometteurs, ne soient mis en parallèle avec les résultats du bézafibrate, entrainant alors un rendu d’ASMR élevé et des discussions sur le prix du médicament, et que la mésaventure de l’acide obéticholique ne se reproduise.   Les autorités risquent également de demander des données de confirmation d’efficacité des traitements sur la survie en comparaison au placebo, en sachant toute la difficulté de mise en place et les biais de ce type d’essai contre placebo sur le long terme. L’accès à ces traitements risque donc de ne pas être un long fleuve tranquille. A nous hépatologues, avec l’appui des associations de patients et des sociétés savantes de trouver une manière d’avancer en bonne intelligence avec les partenaires industriels et les autorités de santé pour le bénéfice des patients.

Références

  1. C Corpechot, O Chazouillères , A Rousseau et al. A Placebo-Controlled Trial of Bezafibrate in Primary Biliary Cholangitis. N Engl J Med. 2018 Jun 7;378(23):2171-2181.
  2. K V. Kowdley, GM Hirschfield et al. COBALT: A Confirmatory Trial of Obeticholic Acid in Primary Biliary Cholangitis with Placebo and External Controls. Am J Gastroenterol 2024;00:1–11.
  3. GM Hirschfield, CL Bowlus, MJ Mayo et al. A Phase 3 Trial of Seladelpar in Primary Biliary Cholangitis. N Engl J Med. 2024 Feb 29;390(9):783-794. 
  4. KV Kowdley, CL Bowlus, C Levy et al. Efficacy and Safety of Elafibranor in Primary Biliary Cholangitis. N Engl J Med. 2024 Feb 29;390(9):795-805