Les Éditos de l'AFEF

LA VÉRITÉ EST AILLEURS
Hépatite C: des raisons d’être optimiste en 2016

Par : Rémy André-Jean
Service d’Hépato-Gastroentérologie, Centre Hospitalier de Perpignan

« Quand il est possible, l’essai thérapeutique randomisé (ETR) est la meilleure méthode pour démontrer l’efficacité d’un traitement. Le lecteur d’un essai randomisé doit cependant rester critique car la validité des conclusions dépend, comme dans tout travail scientifique, de la qualité de l’essai. Cette qualité d’un ETR peut être schématiquement divisée en une qualité clinique, OU non méthodologique, et en Une qualité méthodologique. La qualité non méthodologique est une condition nécessaire à un ETR de qualité car il s’agit de la bonne idée de traitement chez des malades bien choisis pour en profiter ».

En 1988, cet article de la Presse Médicale faisait le point sur la qualité des essais thérapeutiques randomisés et leur évaluation. Près de 20 ans après, la situation est la même. Dans l’hépatite C, quel meilleur traitement choisir en 2016 ? Les recommandations de l’AFEF n’ont cessé d’évoluer depuis janvier 2014 et la mise à disposition du sofosbuvir, premier agent antiviral d’action directe. Trente mois plus tard, les recommandations ont considérablement évolué, délaissant les dernières combinaisons utilisant de l’interféron au profit de thérapies courtes, avec peu de comprimés pour un double objectif de forte efficacité et de faible morbidité. Deux articles accompagnés d’un éditorial parus cet été dans HEPATOLOGY (1-2) devraient ils nous rendre optimistes ? Il peut paraître, pour un hépato-gastroentérologue français non spécialisé (et à fortiori pour un médecin généraliste), difficile de suivre ces (trop) rapides évolutions d’indications de remboursement ou de recommandations. Les essais OPTIMIST 1 et 2 valident l’efficacité du simeprevir, une molécule utilisée en France en 2014-2015 et pratiquement disparue des prescriptions courantes en 2016.

Ceci rappelle la situation privilégiée de la France par rapport à d’autres pays, même au sein de l’Union Européenne. La qualité des essais présentés dans cette revue est à souligner et cette molécule devrait rester connue, même pour une utilisation restreinte, par exemple chez des patients rechuteurs à une autre classe d’agent anti-viral direct, même si cette antiprotéase présente un profil d’effets indésirables moins bon que les combinaisons « tout en un ».

Dans l’étude OPTMIST 1, présentée en second dans ce volume de HEPATOLOGY, 310 patients issus de 48 centres des Etats-Unis et du Canada, de génotype 1 non cirrhotiques (Fibroscan < 12,5 kPa et Fibrotest < 0,48), naïfs ou déjà traités par une combinaison d’interféron et de ribavirine, étaient randomisés entre un traitement de 8 ou 12 semaines. L’efficacité mesurée par la SVR à 12 semaines était statistiquement inférieure pour une durée de 8 semaines (83%) par rapport à une durée de 12 semaines (97%), même pour des charges virales initiales inférieures à 4 millions d’unités/ml, mais également par rapport à des données poolées plus anciennes. Il n’y avait pas de différence selon le sous génotype et/ou la présence d’un polymorphisme Q80K. Les effets indésirables étaient limités, sans arrêt de traitement pour des stades 3 ou 4. Les auteurs concluaient à un traitement de 12 semaines efficace et bien toléré.

Dans l’étude OPTIMIST 2, il s’agissait d’une phase 3 chez 103 patients cirrhotiques traités par sofosbuvir et simeprevir sans ribavirine dans 35 centres des Etats-Unis et du Canada. La cirrhose était non décompensée (58% des patients avaient une mesure d’élastométrie supérieure à 20 kPa). 70% des patients étaient de sous génotype 1a et 51% avaient déjà été traités. L’efficacité mesurée également par la SVR à 12 semaines, était comparée à des résultats historiques (70%). Elle était de 83% pour l’ensemble des patients traités, plus élevée en l’absence de polymorphisme basal Q80K (92%) ou en présence de celui pour la NS5A (100% mais seulement pour 13 patients). Un patient avait arrêté le traitement pour un syndrome infectieux. Les conclusions étaient identiques à OPTIMIST-1 dans une population plus difficile à traiter. Dans le même numéro de HEPATOLOGY, une étude montrait en situation de « vraie vie » l’efficacité de la combinaison sofosbuvir-ledipasvir chez 4365 patients génotype 1 et naïfs de traitements précédents (4). La SVR 12 semaines était de 91,3% sans ribavirine et de 92% avec. Le stade de fibrose F4 et le fait d’être afro-américain étaient des facteurs de mauvaise réponse au contraire de l’âge, du sexe, de l’index de masse corporelle, du diabète, du sous type a ou b ou du traitement antérieur. Dans l’éditorial (1), H Vargas de la Mayo Clinic, eu égard à la qualité des essais présentés, plaidait pour garder une place au simeprevir, notamment lors d’échecs d’autres agents anti-viraux directs agissant sur la NS5A. Il invitait à rester optimiste et à ne pas négliger les « anciens » agents anti-viraux en cas d’échecs des plus récents.

PS : L’article de 1988 dont est extraite l’introduction de cette newsletter (5) était signé du Professeur Thierry POYNARD, auquel l’AFEF a rendu hommage cette année lors de son congrès à Bordeaux.

Références

  1. Vargas H. Hepatitis C treatment in 2016 : reasons to be an optimist. Hepatology 2016 ; 64: 330-2.
  2. Lawitz et al. Simeprevir plus sofosbuvir in patients with chronic hepatitis C virus infection and cirrhosis : a phase 3 study (OPTIMIST 2). Hepatology 2016 ; 64 : 360-9.
  3. Kwo P et al. Simeprevir plus sofosbuvir (12 and 8 weeks) in hepatitis C virus genotype 1-infected patients without cirrhosis : OPTMIST-1a phase 3, randomized study. Hepatology 2016 ; 64: 370-80.
  4. Backus l et al. Real-world effectiveness of ledipasvir/sofosbuvir in 4,365 treatment-naive genotype hepatitis C infected patients. Hepatology 2016 ; 64: 405-14.
  5. Poynard T. Evaluation de la qualité méthodologique des essais randomisés. Presse Médicale 1988 ; 17: 315-