Les Éditos de l'AFEF

Que faire après la guérison du virus C et la virosuppression du VHB ? Est-ce la fin du suivi hépatologique ?

Par : Fontaine Hélène
Docteur -Service d’Hépatologie Médicale et d’Addictologie, Hôpital Cochin APHP, Paris

Depuis une quinzaine d’années, les progrès en termes de traitement contre les hépatites virales B et C ont été majeurs. Il est possible actuellement de guérir l’hépatite C après éradication du virus chez les patients sans fibrose avancée et de contrôler pendant de très nombreuses années la réplication de l’hépatite B chez presque tous les patients, avec une diminution de la fibrose et de l’activité nécrotico-inflammatoire responsable d’une amélioration clinico-biologique. Il a été démontré que l’éradication virale C et la virosuppression prolongée du VHB étaient associées à une diminution de la mortalité et de la survenue du carcinome hépatocellulaire (1), augmentant l’espérance de vie des patients.
Ces succès virologiques ne doivent pas faire oublier, qu’une fois la guérison (VHC) ou le contrôle virologique obtenus (VHB), ces patients en dehors de leur virus restent potentiellement à risque de voir leurs lésions hépatiques évoluer du fait d’autres facteurs d’hépatopathie. Ainsi, la surveillance de certains de ces patients est souvent nécessaire. Notre objectif est de rappeler les principales recommandations sur les mesures de prévention et le suivi de ces patients.

Le dépistage systématique du carcinome hépatocellulaire chez tous les patients ayant des lésions de fibrose avancée avant le traitement anti-viral C (cirrhose ou lésions pré-cirrhotiques) semble être bien intégré dans nos habitudes mais n’est pas toujours facile à comprendre pour les patients à qui on a annoncé une « guérison ». Notre rôle est de leur apporter une information claire et répétée, peut-être au cours de séances d’éducation thérapeutique, sur le fait que l’échographie semestrielle, couplée au dosage sérique de l’alfa-foeto-protéine, a pour objectif, si un carcinome hépatocellulaire survient de pouvoir leur proposer un traitement curatif dans plus de 70 % des cas alors que ce pourcentage diminue rapidement dès que le délai dépasse les 7 mois (2). De la même façon, le dépistage de l’hypertension portale doit être réalisé chez tout patient ayant des lésions de fibrose avancée selon les recommandations de Baveno VI qui seront prochainement réactualisées (3).

Chez tous les patients atteints d’hépatopathie, il est nécessaire, au moment du diagnostic mais aussi au cours de suivi, de dépister les autres causes de maladies hépatiques chroniques. Les plus fréquentes sont celles liées à la consommation d’alcool, au syndrome métabolique et aux coinfections virales. Il est aussi important d’éliminer les pathologies plus rares auto-immune, vasculaires ou métaboliques (fer, cuivre, alpha-1 antitrypsine) selon les circonstances.

Le dépistage d’une consommation d’alcool à risque, la présence ou la survenue en cours de suivi de facteurs de risque métaboliques (surpoids, insulino-résistance, diabète ou dyslipidémie) est sans doute imparfaitement réalisé par notre communauté, notamment au cours des consultations de suivi chez les patients virosupprimés pour le VHB ou guéris du VHC avec fibrose hépatique initiale. La cohorte CirVir a montré que le syndrome métabolique était un facteur de risque de survenue du carcinome hépatocellulaire après guérison virologique de l’hépatite C chez un patient cirrhotique (4). Sans nous transformer en diététicien ou professeur d’activité physique, ce que la plupart d’entre nous ne sauraient bien faire, il faut prendre le temps, au cours des consultations de suivi, de réévaluer ces anomalies. Pourquoi ne pas faire remplir un questionnaire audit aux patients en salle d’attente ?

Le dépistage des coinfections est nécessaire dans le suivi des patients pris en charge pour une hépatite chronique virale. Il est donc important, dans le cadre d’une hépatite B traitée, de dépister régulièrement les sérologies VIH, VHC et VHD en fonction des facteurs de risque du patient. De même, après guérison virologique de l’hépatite C, le dépistage d’une hépatite B, d’une infection par le VIH ou d’une nouvelle infection par le VHC doit être poursuivi en fonction des facteurs de risque. Ceux-ci ne sont pas toujours faciles à cerner ; et s’il doit y avoir un excès, il est préférable de dépister trop plutôt que pas assez, pour le patient lui-même et pour son entourage.

De façon systématique, il est important, chez tout patient ayant une hépatopathie chronique, de connaître son statut immunitaire par rapport à l’hépatite A (IgG anti-hépatite A), l’hépatite B (ag HBs, AC anti-HBs et AC anti-HBc). Voici un rappel des recommandations vaccinales chez les patients avec une hépatopathie, en fonction de leur statut cirrhotique ou non et de leur statut immunodéprimé ou non (5).

Chez un patient avec une hépatopathie non cirrhotique et immunocompétent, il est nécessaire d’effectuer une vaccination contre l’hépatite A et contre l’hépatite B, en l’absence d’immunisation préalable.
La vaccination contre l’hépatite A se fait par un schéma classique de 2 injections à 6 mois d’intervalle.

La vaccination contre l’hépatite B se fait par un schéma habituel à 3 injections, les 2 premières séparées par un intervalle d’un mois et la troisième, 6 mois après la première. Il est nécessaire de vérifier les AC anti-HBs au moins un mois après la dernière injection : si ceux-ci sont inférieurs à 10 UI/l, il faut renouveler les injections de vaccin sans dépasser toutefois les 6 injections ; si les AC anti-HBs restent négatifs après 6 injections, le patient est considéré comme « non répondeur à la vaccination ». Comme la cirrhose a été identifiée comme un facteur de mauvaise réponse au vaccin contre l’hépatite B, il est important de réaliser cette vaccination au plus tôt dans l’histoire de l’hépatopathie. Il est également recommandé chez tous les patients ayant une hépatopathie chronique une vaccination anti-pneumococcique. Les schémas dépendent des antériorités vaccinales. Chez les patients n’ayant jamais été vaccinés contre le pneumocoque, le schéma est composé d’une injection de vaccin pneumocoque conjugué 13-valent (VPC13) suivie (après un délai d’au moins 8 semaines) d’une seconde injection par un vaccin pneumocoque polyosidique non conjugué 23-valent (VPP23), suivi d’un rappel par le VPP23, 5 ans après. Chez un patient ayant antérieurement reçu la vaccination complète ci-dessus, il faut effectuer un rappel de VPP 23, au moins 5 ans après la dernière injection. Chez un patient ayant reçu du VPP23 il y a plus d’un an, il faut effectuer une injection de VPC13 et un rappel par VPP23, 5 ans après la dernière.

Les patients insuffisants rénaux constituent une catégorie à part, caractérisée par le fait que la vaccination contre le virus de l’hépatite B est d’autant plus faible que l’insuffisance rénale s’aggrave. Il est donc primordial, dès le début de leur prise en charge en néphrologie, de dépister et de vacciner les patients non immunisés.
Il n’y a pas de schéma spécifique pour le vaccin contre l’hépatite A chez les patients insuffisants rénaux ou dialysés. Le schéma vaccinal contre l’hépatite B, chez le patient insuffisant rénal, n’est pas non plus différent de celui de la population générale. C’est à partir du stade de dialyse que le schéma est modifié et varie en fonction de la spécialité utilisée : elle peut être réalisée par des doubles doses d’EngerixB20®, selon le schéma M0, M1, M2 et M6, par des simples doses de Fendrix® 20 µg à M0, M1, M2 et M6 ou encore par de l’HBVAXPRO® 40 µg avec un schéma à 3 injections à M0, M1 et M6. Chez les patients insuffisants rénaux et dialysés, il est important de contrôler de façon annuelle les AC anti-HBs et de réaliser un rappel si leur taux est inférieur à 10 UI/L.

Chez un patient cirrhotique et immunocompétent, quelle que soit la cause de la cirrhose, il ne faut pas oublier, à l’automne, la vaccination contre la grippe saisonnière, en plus des vaccinations contre le virus de l’hépatite A (par 2 injections à 6 mois d’intervalle), contre le virus de l’hépatite B (par un schéma à 3 injections, M0, M1 et M6, chez ceux ayant une sérologie négative pour l’Ag HBs, les AC HBs et HBc), et contre le pneumocoque (avec une injection d’un vaccin 13-valent puis d’un vaccin 23-valent, 2 mois plus tard) . Il faut souligner que, chez ce type de patient, l’injection de vaccins vivants est contre-indiquée de principe, en raison du risque de survenue de maladie vaccinale, même si, au cas par cas, certains peuvent être effectués en fonction de la balance bénéfice-risque.

Chez un patient immunodéprimé, quel que soit le statut cirrhotique ou non (par exemple, un patient traité par immunosuppresseurs pour une hépatite auto-immune), il faut effectuer la vaccination contre l’hépatite A (selon le schéma classique à 2 doses espacées de 6 mois), la vaccination contre l’hépatite B s’il est exposé au risque (par de doubles doses d’EngerixB20®, selon le schéma M0, M1, M2 et M6, par des simples doses de Fendrix® 20 µg à M0,

M1, M2 et M6 ou par de l’HBVAXPRO® 40 µg avec un schéma à 3 injections à M0, M1 et M6). Comme chez les dialysés, il faut, chez eux, effectuer un contrôle annuel des AC anti-HBs et un rappel si le taux de ceux-ci sont inférieurs à 10 UI/l. Il faut veiller à ce que les vaccinations annuelles anti-grippale d’une part et contre le pneumocoque d’autre part, aient été effectuées.

Chez un patient traité par chimiothérapie, la sérologie A et B doivent être réalisées avant ou au plus proche du début de la chimiothérapie : en cours de la chimiothérapie, le patient doit être vacciné contre l’hépatite A selon le schéma utilisé dans la population générale. La vaccination contre l’hépatite B est effectué avec le même schéma que dans la population générale avec cependant le contrôle des AC anti-HBs, 4 semaines après la dernière injection et un rappel, 6 mois après la fin de la chimiothérapie.

Autour de nos patients, n’oublions pas de dépister l’entourage de ceux ayant une hépatite B ou C, de prendre en charge les personnes infectées et de vacciner contre l’hépatite B les personnes non immunisées.
Un mot enfin, pour souligner l’importance de rappeler aux femmes infectées de façon chronique par le virus de l’hépatite B et en âge de procréer les étapes nécessaires en cas de grossesse : le dosage de la virémie au 6° mois de grossesse afin de débuter un traitement par tenofovir 3 mois avant l’accouchement si la virémie est supérieure à 200000 UI/ml, et la sérovaccination dans les 12 premières heures de vie de l’enfant (première injection de vaccin et une injection d’immunoglobulines anti-HBs), suivie des autres injections de vaccin (selon le schéma à 3 injections M0, M1 et M6) et d’un contrôle de la sérologie un mois après la dernière injection afin de contrôler son efficacité. Chez les enfants prématurés (né à moins de 32 semaines de grossesse et/ou poids inférieur à 2 kg), une injection supplémentaire à 2 mois de vie sera nécessaire.

Voilà une check-list dédiée à tous nos patients suivis en hépatologie et dont le ou les facteurs étiologiques sont contrôlés, ce qui nous permettra d’éviter une aggravation secondaire à une autre hépatopathie ignorée et mal prise en charge, à une complication de la cirrhose malgré une guérison de la cause et une complication infectieuse particulièrement sévère chez ce type de patient et évitable comme la grippe ou l’infection par le pneumocoque.

VaccinationsHépatite AHépatite BGrippePneumocoque
Hépatopathie chronique sans cirrhose et sans déficit immunitaire2 injections à 6 mois d’intervalle3 injections (M0, M1 et M6) avec contrôle des AC anti-HBs 1 mois après1/anVPC 13 suivie au moins 2 mois plus tard du VPP23 (rappel à 5 ans)
Hépatopathie avec lésions de fibrose avancéeEngerixB20
(doubles doses) M0, M1, M2 et M6
Fendrix 20 – M0, M1, M2 et M6 HBVAXPRO40 – M0, M1, M6 Associé au contrôle des AC anti-HBs et un rappel si < 10 UI/l
Dialysés et patients immunodéprimés

Références :

  1. Carrat F, Fontaine H, Dorival C, Simony M, Diallo A, Hezode C, et al. Clinical outcomes in patients with chronic hepatitis C after direct-acting antiviral treatment: a prospective cohort study. Lancet 2019;393(10179):1453-1464.
  2. Costentin CE, Layese R, Bourcier V, Cagnot C, Marcellin P, Guyader D, dt al. Compliance With Hepatocellular Carcinoma Surveillance Guidelines Associated With Increased Lead-Time Adjusted Survival of Patients With Compensated Viral Cirrhosis: A Multi-Center Cohort Study. Gastroenterol 2018;155(2):431-442.
  3. Thabut D, Bureau C, Layese R, Bourcier V, Hammouche M, Cagnot C, et al. Validation of Baveno VI Criteria for Screening and Surveillance of Esophageal Varices in Patients With Compensated Cirrhosis and a Sustained Response to Antiviral Therapy. Gastroenterol 2019;156(4):997-1009.
  4. Nahon P, Bourcier V, Layese R, Audureau E, Cagnot C, Marcellin P, et al. Eradication of Hepatitis C Virus Infection in Patients With Cirrhosis Reduces Risk of Liver and Non-Liver Complications. Gastroenterol 2017;152(1):142-156.
  5. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2019. Solidarités-santé.gouv.fr