Les Éditos de l'AFEF

Tous unis pour soutenir le « Défi de Janvier »

Par : Costentin Charlotte
Service d'Hépato-Gastro-Entérologie, CHU Grenoble-Alpes

Les chiffres des conséquences de la consommation d’alcool en France sont sans appel. Pour mémoire, en 2015, 41 000 décès étaient attribuables à l’alcool, dont 16 000 décès par cancers, près de 10 000 par maladies cardiovasculaires et 7000 par cirrhose (Bonaldi et Hill, 2019). Ces chiffres placent la consommation excessive d’alcool dans le trio de tête des causes de mortalité évitable dans notre pays, sans compter la morbidité et les conséquences sociales.

En termes de retentissement sur la santé hépatique, l’alcool reste la première cause de cirrhose (Condat 2015, Pimpin 2018) et de carcinome hépatocellulaire (Kudjawu 2020). Le coût social de l’alcool est de 106 milliards d’euros par an en France, contre 7,7 milliards d’euros pour les drogues illicites. La consommation excessive d’alcool constitue donc toujours un enjeu de santé publique majeur dans notre pays dans lequel la prévention fait encore trop défaut.

Aussi, il est indispensable de poursuivre les efforts pour sensibiliser la population aux risques liés à la consommation d’alcool. Dans cette perspective, un collectif d’associations et d’institutions ont lancé, depuis 2020, le « Défi de Janvier », une action de marketing social. Le principe est simple : ne pas boire d’alcool à partir de l’heure de lever le 1ᵉʳ janvier, jusqu’à la fin du mois. Chaque année, des millions de personnes à travers le monde relève le défi et font une pause dans leur consommation d’alcool. L’expérience du « Dry January » est apparue au Royaume-Uni dès 2013. Le premier bénéfice de ce mois sans boire est d’offrir une occasion aux personnes de réfléchir aux effets favorables sur leur santé mais aussi sur leur pouvoir d’achat.Des travaux -réalisés principalement par la Grande Bretagne- suggèrent que ce type d’action a aussi des effets bénéfiques à moyen terme. Si la plupart de celles et ceux qui participent à ce défi reprennent leur consommation d’alcool par la suite, il y a des modifications dans les modalités de consommation favorisés par les changements observés immédiatement sur l’état physique et psychique : perte de poids, amélioration du sommeil et/ou de l’humeur Les participants « abstinents pendant un mois » maintenaient une réduction prolongée de leur consommation d’alcool (Mehta 2017, de Visser 2016, de Visser 2017). Enfin, la diminution de la consommation d’alcool et des ivresses à 6 mois, ainsi qu’un sentiment de plus grande facilité à refuser un verre d’alcool ont été constatés. Les retombées de cette expérience de marketing social sont donc à la hauteur de ce que l’on peut en attendre.

En France, peu de données sont disponibles. Santé Publique France ne s’est pas engagée dans la promotion du challenge, mais a réalisé une évaluation de la première édition à l’aide d’entretiens individuels et collectifs menés en février 2020 auprès de participants inscrits (n = 22) et non-inscrits au défi (n = 25), et des non-participants (n = 24). L’échantillon avait été construit de manière à obtenir une diversité de profils. En conclusion de ce travail, les auteurs soulignent la faible visibilité du défi et qu’« une notoriété de l’événement plus importante devrait permettre aux futurs participants de se sentir moins isolés et d’emporter plus facilement le soutien de leur entourage » (Quatremère 2021).

Le nombre d’associations d’addictologie comme la SFA avec la FFA, la Fédération Addiction, mais aussi des associations d’Hépato-Gastro-Entérologie comme l’AFEF, la SNFGE, l’ANGH, d’organisations comme l’INCA et de villes soutenant le défi ne cesse d’augmenter chaque année. Pourtant, on ne trouve toujours pas mention de cet événement sur le site de Santé Publique France ou le site du ministère de la santé et de la prévention pour l’édition 2024.

L’objectif du Défi de Janvier est moins d’aboutir à une abstinence que de favoriser une diminution à long terme de la consommation mais aussi d’informer les Français sur les risques liés à la consommation d’alcool. Que nous décidions ou non d’y participer, la communication croissante dans les médias encourage chacun d’entre nous à réfléchir, chaque année, à sa propre consommation. C’est, en soi, une intervention de prévention qui mérite d’être reconnue.

Début décembre, le Collège Universitaire National des Enseignants d’Addictologie (CUNEA), a adressé une lettre ouverte au ministre de la Santé, pour tirer la sonnette d’alarme au sujet de la politique de santé publique nationale en matière de consommation d’alcool et demander un soutien officiel du « Défi de Janvier ». L’AFEF et la SFA soutiennent sans réserve le défi de Janvier et saluent l’initiative du CUNEA demandant l’implication du Ministère de la Santé et de la prévention dans la promotion de cette manifestation mondiale de prévention. Ce d’autant que les initiatives et les dispositifs novateurs ne manquent pas, comme le démontre la sortie de l’application smartphone de coaching labellisée par la SFA mydéfidejanvier, disponible sur defi-de-janvier.fr.

Alors, en 2024, toutes et tous mobilisés pour faire la promotion du Défi de Janvier !

Charlotte Costentin, Jérôme Boursier, Jean-Pierre Bronowicki pour l’Association Française pour l’Etude du Foie

Camille Barrault, Mickael Naassila et Olivier Cottencin pour la Société Française d’Alcoologie