Alors qu’un mouvement de grève a été récemment lancé et soutenu par plusieurs syndicats de la profession, c’est l’occasion de faire le point sur la démographie médicale de notre spécialité.
Depuis plusieurs semaines, la question de la liberté d’installation des médecins suscite de vifs débats, notamment autour de la proposition de loi portée par le député Guillaume Garot. Ce texte vise à réguler l’installation des médecins en fonction de la densité médicale des territoires : l’installation serait facilitée dans les zones sous-dotées, tandis qu’elle serait soumise à autorisation dans les zones considérées comme surdotées. Cette mesure, destinée à lutter contre les déserts médicaux, soulève des inquiétudes quant à son efficacité et à son impact sur la liberté d’exercice des praticiens.
En réaction, une grève illimitée a été lancée par plusieurs syndicats de médecins libéraux, soutenue par des internes, des jeunes praticiens et des structures telles que SOS Médecins. Les grévistes dénoncent une atteinte au principe fondamental de la médecine libérale : le libre choix du lieu d’exercice. Ils soulignent également que la désertification médicale touche désormais des zones auparavant considérées comme bien dotées, rendant les critères de régulation difficiles à accepter.
Dans notre spécialité aussi, la question de la démographie médicale est préoccupante. Selon le Livre Blanc de l’HGE, publié en 2020, environ 5,1 millions de patients sont pris en charge chaque année pour une pathologie digestive, un chiffre en augmentation de 2 % par an. Le vieillissement de la population et l’augmentation attendue de certaines pathologies digestives (notamment les MICI et les cancers digestifs) laissent présager une demande croissante de soins. Or, la démographie des hépato-gastroentérologues reste fragile. Selon les données de la DREES, en 2018, on dénombrait environ 3 900 HGE en France, avec une moyenne d’âge de 50,5 ans. Parmi eux, 44 % avaient plus de 55 ans, 26 % plus de 60 ans et 10 % plus de 65 ans. Cette pyramide des âges indique un vieillissement significatif de la profession, avec un risque de pénurie de spécialistes dans les années à venir.
Face à ces défis, il apparaît que la coercition à l’installation n’est peut-être pas la solution la plus efficace pour pallier les pénuries dans les zones sous-dotées en hépato-gastroentérologues. Une réflexion approfondie sur des mesures incitatives et innovantes pourrait s’avérer plus pertinente : développement de consultations avancées, promotion de la téléconsultation, ou encore mise en place de postes partagés entre plusieurs établissements ou territoires. En parallèle, il faut veiller à maintenir l’attractivité de notre spécialité pour les internes et les jeunes médecins.
Quelle que soit l’issue de la proposition de loi, cette problématique mérite d’être largement partagée et doit faire l’objet d’une réflexion collective.
Références :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0966_proposition-loi