Les Éditos de l'AFEF

L’implantation de l’IPA en France ? Mythe ou réalité

Par : Plessier Aurélie
Service d'Hépatologie, Hôpital Beaujon APHP, Clichy

Alors que l’IPA (Indian Pale Ale), a déjà largement fait son chemin, le parcours est plus difficile pour l’infirmier / infirmière en pratique avancée (IPA), dont on entend beaucoup parler, notamment lors des négociations conventionnelles ou de discussions de nouvelles lois santé.

Arrivés dans le paysage français en 2018, les IPA existent en réalité depuis les années 60 aux Etats-Unis puis se sont déployés dans de nombreux pays à partir des années 70.

Rien de nouveau donc ! Et même beaucoup de raisons de se satisfaire si l’on en croit la littérature internationale avec une amélioration de la qualité des soins, de l’accès aux soins et de la satisfaction des patients, à l’hôpital (1), comme en ville (2).

Alors, pourquoi l’arrivée des IPA en France ne fait-elle pas consensus ?

Probablement par défaut de compréhension de leur rôle et de leur place par rapport à celle des médecins et des autres professionnels de santé.

Classique ! L’inconnu fait souvent peur. Alors, pour rassurer, il a beaucoup été dit que les IPA gèreront les situations faciles pendant que les médecins se recentreront sur les situations complexes. C’est largement méconnaitre le caractère innovant et la nouvelle dimension qu’apportent les IPA, incontournables à l’équipe de soins dès lors qu’elles exercent leur activité.

Voici la définition internationale de l’IPA (3) : C’est « un ou une infirmière qui a acquis, à travers des études supérieures plus poussées (master au minimum), les connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de son métier, dont les caractéristiques sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera autorisée à exercer ».

Plus spécifiquement, en France, l’IPA réalise 2 années de formation universitaire, principalement axées sur le développement de compétences cliniques et pharmacologiques (une année de tronc commun et une année spécifique à la mention choisie), pour l’obtention d’un diplôme d’État. Pour exercer en tant qu’IPA, il faut en plus du diplôme, un minimum d’expérience de 3 années en tant qu’infirmier / infirmière en soins généraux.

En pratique, les IPA peuvent réaliser des actes d’évaluation, conduire des activités de prévention ou d’éducation, prescrire des examens biologiques, renouveler ou adapter des prescriptions médicales, demander des examens radiologiques, orienter vers des spécialistes médicaux et réaliser des actes techniques.

L’objet de ce texte est également de mettre fin à certaines rumeurs infondées, notamment au sujet des rémunérations des IPA, qui ont fait l’objet de désinformation. Les IPA peuvent exercer dans des établissements de santé ou médico-sociaux, mais également en ville, auprès de médecins généralistes ou spécialistes, en tant que salariés ou libéraux. Leur activité est valorisée par des forfaits trimestriels qui incluent l’ensemble des consultations (présentielles et distancielles), visites au domicile ou actes réalisés auprès d’un patient : 60 euros pour le 1er trimestre de suivi puis 50 euros pour les trimestres suivants. Ces forfaits viennent d’être (légèrement) revus à la hausse par l’Assurance Maladie car le revenu moyen d’un IPA exerçant en libéral était de moins de 800 euros par mois en 2022.

L’IPA peut exercer avec les médecins spécialistes hospitaliers et de ville mais aussi avec les médecins généralistes, notamment dans le champ de la prévention des facteurs de risque ou du dépistage. Aujourd’hui, les IPA peuvent exercer dans le cadre de 5 mentions :  pathologies chroniques stabilisées ; prévention et polypathologies courantes en soins primaires (comprenant une liste de 8 pathologies cardiaques, pulmonaires, neurologiques et endocriniennes) ; oncologie et hémato-oncologie ; maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale ; santé mentale et psychiatrie et Urgences.

Les pathologies digestives (et hépatologiques) n’ont pas été retenues dans le dispositif initial. Pourtant, les patients suivis dans le cadre d’une cirrhose, d’un syndrome métabolique, d’une greffe ou d’une maladie rare s’inscrivent souvent dans le cadre d’un suivi complexe.

Dépistage des hépatites virales, de la maladie chronique du foie chez des patients avec des facteurs de risque ou du carcinome hépatocellulaire chez les patients atteints d’une cirrhose, repérage du risque de dénutrition, prise en charge des co-morbidités (addictologiques, métaboliques), aide à la transition pédiatrie-adulte, éducation aux traitements (hépatites virales, transplantation, maladies auto-immunes, maladies rares), prévention des complications de la cirrhose (vaccination, équilibre du diabète, de la pression artérielle) surveillance et repérage précoce des complications de la cirrhose et de l’hypertension portale, prise en charge de la personne âgée en hépatologie, orientation vers les soins de support (soins palliatifs, psychologue, assistante sociale, activité physique adaptée, etc.) sont autant d’activités que pourraient mener les IPA en appui des médecins. Cela devrait probablement permettre d’améliorer les prises en charge (4, 5) et de fluidifier les parcours de soins grâce à un renforcement de l’accompagnement des patients qui en ont le plus besoin.

Alors, mobilisons-nous pour que les maladies hépatiques intègrent la mention IPA : pathologies chroniques stabilisées ; prévention et polypathologies courantes en soins primaires.

Julie DEVICTOR, IPA en oncologie hépatique et présidente du CNP IPA

Aurélie PLESSIER, hépatologue

Isabelle ROSA HEZODE, hépatologue

Références

  1. Aiken LH, Sloane DM, Brom HM, Todd BA, Barnes H, Cimiotti JP, Cunningham RS, McHugh MD. Value of Nurse Practitioner Inpatient Hospital Staffing. Med Care. 2021 Oct 1;59(10):857-863. doi: 10.1097/MLR.0000000000001628. PMID: 34432769; PMCID: PMC8446318.
  2. Laurant M, van der Biezen M, Wijers N, Watananirun K, Kontopantelis E, van Vught AJ. Nurses as substitutes for doctors in primary care. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Jul 16;7(7):CD001271. doi: 10.1002/14651858.CD001271.pub3. PMID: 30011347; PMCID: PMC6367893.
  3. ICN_APN Report_FR_WEB.pdf
  4. Fabrellas N, Künzler-Heule P, Olofson A, Jack K, Carol M. Nursing care for patients with cirrhosis. J Hepatol. 2023 Jul;79(1):218-225. doi: 10.1016/j.jhep.2023.01.029. Epub 2023 Feb 7. PMID: 36754211
  5. Mahmud N, Halpern S, Farrell R, Ventura K, Thomasson A, Lewis H, Olthoff KM, Levine MH, Nazarian S, Khungar V. An Advanced Practice Practitioner-Based Program to Reduce 30- and 90-Day Readmissions After Liver Transplantation. Liver Transpl. 2019 Jun;25(6):901-910. doi: 10.1002/lt.25466. Epub 2019 Apr 23. PMID: 30947393; PMCID: PMC6548546.